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Les finances publiques au Canada. Le fonctionnement de l’État à la lumière du processus budgétaire Geneviève Tellier Bruylant Bruxelles, 2015, 254 pages

Published online by Cambridge University Press:  11 November 2016

Pierre-Marc Daigneault*
Affiliation:
Université Laval
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Abstract

Type
Reviews/Recensions
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 2017 

Force est d'admettre que l'analyse des finances publiques est loin de susciter les passions et ce, tant chez les politologues que les citoyens. En effet, ce thème « technique » est souvent perçu comme la chasse-gardée des économistes, comptables et juristes. Or, les finances publiques sont une composante fondamentale de la bonne gouvernance des sociétés démocratiques qu'on aurait tort de négliger.

Cet ouvrage offre aux politologues une porte d'entrée opportune sur l'analyse des finances publiques. L'auteure aborde ce sujet dans une perspective sociopolitique centrée sur trois questions hautement pertinentes : 1) Qui sont les acteurs du processus budgétaire ? 2) Comment y participent-ils ? 3) Pourquoi le font-ils ? (12–13). Le livre n'a pas pour ambition de fournir un compte-rendu encyclopédique des activités budgétaires de tous les gouvernements mais bien « de présenter la situation d'ensemble qui prévaut tant sur la scène fédérale que dans les provinces et territoires canadiens » (16). Le cadre théorique mobilisé s'inspire des travaux d'Aaron Wildavsky sur les « gardiens » et les « dépensiers » d'une part, et de l'analyse séquentielle des politiques publiques transposée au cycle budgétaire, d'autre part. L'ouvrage compte onze chapitres et se divise en cinq parties. La première offre une présentation générale du contexte canadien portant sur la taille et la composition des budgets, le fédéralisme et les autorités budgétaires qui sert en quelque sorte de « mise à niveau » aux lecteurs tant canadiens qu'internationaux. La seconde partie traite de la préparation du budget par les gardiens, soit la mise à l'ordre du jour des initiatives budgétaires et l’élaboration du cadre financier. La troisième partie aborde la prise de décision budgétaire sous l'angle du calendrier et des règles parlementaires. La quatrième partie porte sur la mise en œuvre du budget et présente les principales caractéristiques du système de gestion budgétaire et les initiatives visant à optimiser les ressources. La cinquième et dernière partie se penche sur le contrôle budgétaire, abordé sous l'angle des mécanismes internes et externes de vérification et d’évaluation.

En général, l'ouvrage remplit ses promesses de manière satisfaisante. Il offre en effet une présentation claire, cohérente, accessible, fidèle et à jour de la question des finances publiques au Canada dans une perspective institutionnelle. Si l'auteure ne mentionne pas explicitement le lectorat visé, le livre peut néanmoins servir d'ouvrage de référence aux chercheurs canadiens et européens intéressés par le processus budgétaire au Canada. L'ouvrage (en entier ou en partie) peut également être utile à des étudiants de science politique inscrits à un cours sur le processus et les principes budgétaires, l'administration publique ou encore les institutions gouvernementales et le parlementarisme (tout en gardant à l'esprit que l'ouvrage traite surtout du niveau fédéral). Même si leur nombre est insuffisant, les cinq encadrés permettent au lecteur de se familiariser avec certains enjeux pertinents aux finances publiques, par exemple les lois anti déficit.

En dépit de qualités évidentes, l'ouvrage comporte par ailleurs deux lacunes qu'on doit souligner. La première est sa nature très descriptive, qui ne permet pas toujours aux lecteurs de mettre en perspective et de saisir l'importance des faits présentés. Le « qui ? » et le « comment ? » sont en effet privilégiés au détriment du « pourquoi ? ». On lit par exemple que le Canada est le pays de l'OCDE dont la part des dépenses publiques dans l’économie a le plus diminué entre 1990 et 2014 (23–24). Pour quelles raisons ? Avec quelles conséquences ? Quelle est l'importance de la distinction entre emprunt national et international mentionné au chapitre 5 ? L'ouvrage n'offre aucune réponse à ces questions. De même, on s'attendrait d'un livre traitant des finances publiques à une analyse plus substantielle du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, de la péréquation (le Québec se paie-t-il des programmes sociaux généreux grâce à l'argent de la péréquation ?), de l'utilité des déficits publics et de l'efficacité des « chiens de garde » parlementaires. La seconde lacune, liée à la première, est la faible importance accordée aux intérêts, à l'idéologie et au pouvoir des acteurs budgétaires, à plus forte raison parce que l'auteure se réclame des travaux de Wildavski. Ainsi, l'existence d'un cycle partisan au Canada selon lequel les gouvernements de gauche sont plus dépensiers que ceux de droite n'est pas discutée. De même, il aurait été intéressant d'approfondir la discussion autour des motivations politiques qui amènent les décideurs à manipuler les prévisions budgétaires.

Ces lacunes, qui sont loin d’être fatales et pourront d'ailleurs être aisément corrigées dans une édition ultérieure, doivent être nuancées. Comme l'indique son sous-titre, le livre porte d'abord sur le fonctionnement de l’État, d'où sa nature descriptive. Ensuite, chaque chapitre contient une liste de lectures pertinentes pour les lecteurs désireux d'approfondir les thèmes traités. Enfin et surtout, ces lacunes doivent être mises en perspective avec la haute tenue et les qualités indiscutables de l'ouvrage qui vient combler un vide important dans la littérature canadienne sur les finances publiques, en français en particulier. Ce livre apporte ainsi une très belle contribution qui sera utile pour plusieurs années aux politologues de divers horizons.