Cet ouvrage procède d'un colloque portant sur la crise du Règlement 17 et sur sa postérité ayant eu lieu à l'Université d'Ottawa en novembre 2012. En 1912, le Règlement 17, interdisant l'enseignement en français après la deuxième année du primaire dans les écoles de la province, était adopté à Queen's Park, mesure administrative qui restera en vigueur jusqu'en 1927. L'ouvrage présente cet événement comme un « mythe fondateur » en Ontario français et propose non seulement de revenir sur le moment de la crise, mais aussi sur sa signification dans le champ d’études franco-canadien, par l'entremise de textes provenant d'une variété de disciplines : l'histoire, la science politique, le droit, et les études littéraires et dramaturgiques.
L'ouvrage est organisé en cinq thèmes. Les deux premiers thèmes, à saveur historique, regroupent la majorité des textes qui portent sur les configurations de la crise dans les milieux canadien-anglais et canadien-français. Ces textes remettent en question le prisme dichotomique avec lequel les crises scolaires et linguistiques du pays sont souvent appréhendées. On y présente en premier lieu divers aspects des relations avec les Anglo-Ontariens, notamment le rapport ambigu des Irlandais catholiques de l'Ontario au Règlement 17 (Jean-Philippe Croteau) et le discours d'une série de journaux anglophones sur le sujet des écoles bilingues entre 1912 et 1914 (Sylvie Lacombe). On y brosse le portrait d'hommes politiques ayant influencé la crise : le député et romancier William Henry Moore (Hans-Jürgen Lüsebrink) et le fondateur de l'Association canadienne-française d’éducation d'Ontario (ACFÉO) Napoléon-Antoine Belcourt (Geneviève Richer). La prochaine série de textes s'intéresse au rapport des francophones à la crise. On y démontre qu'il existait des divergences d'opinions sur la résistance au Règlement 17 dans le sud-ouest de la province (Jack Cécillon) et que la crise a forcé une révision du curriculum des écoles bilingues (Gratien Allaire). La mobilisation canadienne-française contre le Règlement est explorée, tant dans les pages du Devoir (Pierre Anctil) qu'au sein de la mutuelle l'Union St-Joseph (Pierre Labbé). On y retrace aussi l’évolution des modalités d'action de l'ACFÉO durant la crise (Serge Dupuis).
Les trois dernières sections de l'ouvrage portent, respectivement, sur les aspects politico-juridiques du Règlement 17, sur ses retombées dans les milieux artistiques, et finalement, sur la façon dont cet épisode contribue aux réflexions sur le champ intellectuel canadien-français. On y présente les différentes facettes du débat au sujet de la possibilité de « suggérer » à Queen's Park l'abolition du Règlement, ayant eu lieu à la Chambre des communes canadiennes en 1916 (François Charbonneau) et la participation du politicien québécois Thomas Chapais au mouvement d'opposition au Règlement 17 (Damien-Claude Bélanger). On touche aussi l'aspect constitutionnel de l'affaire (Pierre Foucher) : le Règlement 17 a été dénoncé devant les tribunaux, où les Franco-Ontariens ont reçu une fin de non-recevoir, mettant au jour « les limites des garanties constitutionnelles » (301) en matière linguistique en vigueur à l’époque. On démontre que les littéraires ont, dans la postérité, fait peu de cas de cet événement (Lucie Hotte), mais que la salle de théâtre Sainte-Anne, à Ottawa, a été un lieu de rassemblement important pour la mobilisation des francophones durant la crise (Hélène Beauchamp). Les divergences de la mise en récit du Règlement 17 dans deux pièces de théâtre, soit La parole et la loi et « Jeanne », sont aussi étudiées (Johanne Melançon). En guise de conclusion, Michel Bock offre une réflexion sur le « divorce » (407) qu'incarnait le Règlement 17 entre la langue et la foi, éléments fondateurs de l'identité canadienne-française, notamment à l'aulne du refus de Rome d'intercéder en la faveur de ses ouailles franco-ontariennes.
Le siècle du Règlement 17 est un ouvrage de facture académique qui intéressera un lectorat universitaire, mais aussi un public plus large possédant un intérêt envers l'histoire politique canadienne. Bien que le Règlement 17 soit un sujet ayant été largement ratissé par le passé, cette collection de textes démontre avec brio que plusieurs aspects de ce moment important de l'histoire franco-ontarienne et canadienne-française restaient à explorer. Pour conclure, cet ouvrage ouvre la voie vers plusieurs nouvelles pistes de recherche. Non seulement souligne-t-il les complexités de la consolidation de la « nation canadienne-française » autour des pôles de la langue et de la religion à l'extérieur du Québec, il appelle aussi à revoir les dichotomies avec lesquelles les crises scolaires au Canada français (le Règlement 17 étant une crise parmi plusieurs à l’époque) sont habituellement appréhendées dans les recherches d'histoire politique, notamment à la lumière de l’économie politique. Finalement, les aléas du mouvement de résistance à cet infâme règlement à l’époque, rapportés dans l'ouvrage, ne sont pas sans évoquer les tergiversations des mouvements politiques d'aujourd'hui, entre rébellion et négociation, entre désobéissance civile et « diplomatie tranquille » (104), nous rappelant au passage que depuis 1912, tout n'a pas changé.