L'ouvrage La politique internationale en questions publié par les professeurs de l'Université de Montréal reprend la formule utilisée dans un livre paru en 2008 : dans chaque chapitre d'une dizaine de pages, un professeur ou un collaborateur répond à une question d'actualité dans son domaine de spécialisation, dans un style clair et grand public. Alors que celui de 2008 était centré sur la politique intérieure, cet ouvrage, qui compte vingt-trois chapitres regroupés en cinq parties, est entièrement consacré à la politique internationale.
Après une brève introduction, les trois chapitres de la première partie s'intéressent aux effets de la mondialisation : Philippe Faucher se demande si l'on devrait se réjouir de la mondialisation, Frédéric Mérand se tourne vers la souveraineté en identifiant quatre situations poussant un État à l'« abdiquer » (intervention étrangère, mondialisation, interdépendance et intégration), et Pascale Dufour s'interroge sur l'existence d'une société civile mondiale. Dans leur analyse, les trois auteurs demeurent nuancés : la mondialisation est porteuse d'un monde démocratique et solidaire, mais elle a des aspects plus sombres (exploitation à l'échelle mondiale et détérioration de l'environnement, entre autres); il est difficile d'avoir des jugements normatifs sur la question de la souveraineté, celle-ci étant en partie le résultat d'un rapport de force; et la transposition à l'échelle mondiale de la notion de société civile est contestable, notamment parce que le concept n'est pas clair et que ce qu'il désigne est souvent hétérogène.
La deuxième partie se concentre sur les grandes puissances. Pierre Martin (les États-Unis), Luc Duhamel et Pavel Tsygankov (la Russie), Loïc Tassé (la Chine), Dominique Caouette et Isabelle Beaulieu (l'Asie du Sud-Est), et Marie Bernard-Meunier (le Canada) se tournent vers l'évolution et la place des acteurs principaux de la politique internationale contemporaine. Il ressort de ces contributions que l'unipolarité demeure une réalité, la Russie étant au mieux une puissance régionale et la Chine encore loin derrière les États-Unis en termes militaires. L'Asie du Sud-Est, de son côté, est marquée par une aversion pour les structures régionales formelles et contraignantes, tandis que l'influence du Canada a décliné ces dernières années.
La troisième partie porte sur la sécurité. Le chapitre 10, écrit par Michel Fortmann et Martial Foucault, se demande si l'on assiste à la naissance de l'État policier. Les auteurs concluent qu'il est hâtif de considérer que ce dernier a remplacé l'État-providence, notamment parce que la sécurité est encore définie dans une perspective plus militaire que policière. Dans le chapitre 11, Janine Krieber aborde le terrorisme et montre qu'il s'agit d'une tactique « vieille comme le monde », dont la forme contemporaine présente certains invariants sociologiques et stratégiques (économie des moyens, « mysticisme politique de la mort », objectif plus symbolique que territorial et ainsi de suite). Dans le douzième chapitre, Marie-Joelle Zahar et Jocelyn Coulon montrent que si le déploiement des Casques bleus dans les opérations de maintien et de construction de la paix demeure un outil efficace, il se heurte toutefois à des difficultés. Le chapitre 13, signé par Stéfanie van Hlatky, s'intéresse à la relation asymétrique entre le Canada et les États-Unis, qui ont des « intérêts complémentaires mais distincts » en matière de défense.
La quatrième partie se penche sur l'économie. Dans le chapitre 14, Philippe Faucher signale les risques du protectionnisme, qui profite à certains propriétaires d'entreprises aux dépens des consommateurs ou des contribuables, tandis que les échanges internationaux « accroissent la richesse et contribuent à résorber les inégalités » (137). Dans le quinzième chapitre, Mamoudou Gazibo se demande si la Chine est l'amie de l'Afrique : faisant partie d'une « offensive de charme planétaire », la présence chinoise a des revers (et notamment celui d'encourager le surendettement et les élites autoritaires), mais elle offre une réelle marge de manœuvre aux pays africains. Dans le chapitre 16, Guillermo Aureano montre que, dans la lutte contre le terrorisme, la coopération internationale en matière de renseignements financiers piétine, notamment à cause de l'opacité des milieux financiers. Cette lutte est instrumentalisée sur le plan national autant que sur le plan international, puisqu'elle sert à légitimer des mécanismes de surveillance exceptionnels et à donner des preuves d'allégeance à des pays amis – preuves symboliquement fortes, mais peu efficaces. Dans le chapitre 17, Azzedine Rakkah souligne que la rente pétrolière est davantage un instrument de consolidation des régimes que de développement économique : si elle permet à des gouvernements autoritaires et corrompus de mettre en place des appareils répressifs et imperméables à la critique des pays démocratiques (ses clients), elle peut également, dans un contexte démocratique, servir au bien-être de la collectivité.
La dernière partie se tourne vers les « enjeux du siècle ». Ekaterina Piskunova montre, dans le chapitre 17, que la Russie est plus une menace pour ses voisins immédiats que pour l'Occident et que les désaccords économiques sources de tension peuvent être résolus pacifiquement au bénéfice de tous. Zhiming Chen, dans le chapitre 18, montre que le conflit entre la Chine et le Tibet est dans l'impasse : puisque la souveraineté chinoise et l'autodétermination tibétaine sont incompatibles, aucune solution n'est acceptable pour les deux parties. Au chapitre suivant, Laurence Bherer explore les différents aspects de l'internationalisation des villes (hiérarchisation au sein du capitalisme mondialisé et création de réseaux transnationaux, entre autres). Le chapitre 20 défend la thèse de Charles Blattberg selon laquelle, en cas de conflit entre nos concepts moraux, il faut privilégier non pas un équilibre et un compromis, comme le pense le pluralisme, mais la transformation du tout et la réconciliation des valeurs opposées. L'exemple des restrictions mises en place pour assurer la sécurité des aéroports met en lumière l'importance des enjeux pratiques soulevés par cette question philosophique. Les chapitres 21 et 22 reviennent sur le thème du chapitre 12. D'une part, Laurence McFalls, influencée par des études anthropologiques (Pandolfi) et par Max Weber, montre que les interventions militaro-humanitaires ôtent personnalité, histoire, culture et dignité aux populations qu'elles sont censées aider. D'autre part, pour Marie-Joëlle Zahar, confrontée à des difficultés (problèmes de coordination, de financement et de relations avec les autorités et les populations locales), l'aide de la communauté internationale à l'édification de la paix est paradoxalement à la fois nécessaire et susceptible d'aggraver la situation. Le dernier chapitre, écrit par Daniel Carrasco Brihuega, s'intéresse aux défis que doivent relever les nouvelles démocraties, apparues en très grand nombre depuis trente ans, et notamment à la crise de la représentation et à la faiblesse de l'État de droit. Si leur apparition a suscité de grands espoirs et certaines réalisations, ces démocraties ont un problème de consolidation parce qu'elles ont conservé une partie de leur héritage autoritaire.
Bien structurés et rédigés sans note en bas de page et avec très peu de citations, tous les chapitres offrent un panorama complet et actuel des questions auxquelles ils répondent. Leur propos est parfois illustré d'anecdotes personnelles et de récits à la première personne. Même si les conséquences de la crise économique de 2008 et de l'élection d'Obama sont régulièrement évoquées, les auteurs poussent l'analyse au-delà de l'actualité récente et retracent, souvent depuis 1945 ou 1989, le contexte social et politique qui explique la situation actuelle. À la fois accessible et bien renseigné, l'ouvrage donnera donc satisfaction à un large public, qui appréciera que les auteurs aient tenté, lorsque cela était pertinent, de montrer les conséquences pour le Québec des évolutions internationales mises à jour. Mais il peut également intéresser un public universitaire. En effet, soucieux de rappeler les débats théoriques auxquels donne lieu chaque thème – si le réalisme et le transnationalisme dominent l'ouvrage, des approches plus critiques sont également utilisées –, les auteurs situent leurs propos dans l'histoire des idées et dans la philosophie politique. Après chaque chapitre, cinq à dix références bibliographiques indiquent où chercher pour « aller plus loin ». Abordant la politique internationale sous de multiples aspects, ce recueil pourrait donc servir de manuel pour un cours d'introduction aux relations internationales.
Ses défauts sont, en effet, en nombre limité : les envolées lyriques qui concluent certains chapitres font parfois sourire et il est regrettable que les références bibliographiques soient très majoritairement en anglais, ce qui est susceptible de freiner un public non spécialisé. Également, il est irritant de voir que certains auteurs déduisent des lois générales de l'histoire comme si celle-ci parlait directement aux chercheurs (voir 47 et 73 notamment). Enfin, certaines formulations ne sont pas très heureuses : ainsi le général Pinochet est « pourchassé » jusqu'en Angleterre par le juge Garzon (19) et les croyances sectaires « pullulaient » avant le siècle des Lumières (108). Malgré ces légers bémols, l'ouvrage demeure passionnant et il est très important que des universitaires tentent d'intéresser un large public aux plus récentes analyses produites dans leur domaine de spécialisation, montrant ainsi la pertinence de la recherche en sciences sociales et l'ampleur des enjeux auxquels elle se confronte.