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La diversité culturelle. Vers une convention internationale effective?

Published online by Cambridge University Press:  18 December 2006

Christophe Traisnel
Affiliation:
Université d'Ottawa
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La diversité culturelle. Vers une convention internationale effective?, Gilbert Gagné, Montréal : Fides. Points chauds. 213 pages.

La diversité culturelle. Vers une convention internationale effective?, publié sous la direction de Gilbert Gagné dans la collection “ Points Chauds ”, est en bonne partie issu d'une conférence sur le thème de la diversité culturelle organisée par le Groupe de recherche sur l'intégration continentale (GRIC) de l'Université du Québec à Montréal le 31 mars 2004. Cette rencontre visait à organiser une réflexion collective sur ce qui était encore à l'époque à l'état de projet : l'organisation, par l'UNESCO, d'une Convention internationale sur la diversité culturelle (CIDC).

Type
BOOK REVIEWS
Copyright
© 2006 Cambridge University Press

La diversité culturelle. Vers une convention internationale effective?, publié sous la direction de Gilbert Gagné dans la collection “ Points Chauds ”, est en bonne partie issu d'une conférence sur le thème de la diversité culturelle organisée par le Groupe de recherche sur l'intégration continentale (GRIC) de l'Université du Québec à Montréal le 31 mars 2004. Cette rencontre visait à organiser une réflexion collective sur ce qui était encore à l'époque à l'état de projet : l'organisation, par l'UNESCO, d'une Convention internationale sur la diversité culturelle (CIDC).

Cet ouvrage cherche une réponse à la question suivante : comment conceptualiser une notion, la diversité culturelle, qui a le mérite d'être partout utilisée, mais aussi l'inconvénient d'être mal comprise parce que difficilement définissable? Autrement dit, comment rendre compte d'une question qui paraît pour l'ensemble des intervenants aussi importante, sinon plus, que les préoccupations strictement commerciales, alors que les conventions internationales ne s'y intéressent que de manière marginale?

Les questions qui sont débattues dans cet ouvrage n'ont pas toutes trouvé de réponses avec l'adoption récente par les représentants des États à l'UNESCO de la Convention internationale sur la diversité culturelle (CIDC) le 20 octobre 2005 à Paris, bien au contraire. Et c'est précisément ce qui fait l'intérêt de ce petit ouvrage : il permet, en défendant la thèse du caractère exceptionnel de la culture, et à la lumière des débats qui y sont exposés, de mieux saisir l'intérêt, la portée, mais aussi les limites, d'une telle convention internationale sur la diversité culturelle et partant, de renseigner utilement sur la notion même de diversité culturelle.

Organisé autour de trois grandes thématiques (culture et commerce, culture comme droit fondamental, diversité culturelle et société de l'information) et complété par une importante annexe reproduisant la déclaration universelle de l'UNESCO du 2 novembre 2001 sur la diversité culturelle, l'ouvrage cherche à dresser le portrait de la question susmentionnée, non sans avoir au préalable proposé une définition fort utile de la notion de diversité culturelle qui cherche—enfin!—à dépasser le slogan populaire pour bien montrer l'intérêt heuristique d'un tel concept. La tentative montre d'ailleurs à quel point l'exercice peut être difficile…

La première partie de l'ouvrage vise à rendre compte des deux approches concurrentes concernant le rapport culture-commerce : nécessaire dissociation ou inévitable association? Gilbert Gagné effectue sur la question une très éclairante synthèse historique des acteurs (en particulier du Canada et de la France) et des efforts qu'ils ont déployés en faveur d'une reconnaissance de la diversité culturelle, puis de l'organisation de la CIDC. La dialectique public-privé, ou culture-commerce, est ensuite abordée par Georges Azzaria qui explore le téléscopage entre la protection de la diversité culturelle et les entraves à la liberté du commerce que cette exception implique, étant donné l'imbrication entre le culturel et l'économique dans nos sociétés post-industrielles : la culture, c'est aussi le disque, la vidéo, le cinéma, la presse, l'édition. Autant de secteurs marchands a priori peu réceptifs à l'argument du caractère exceptionnel de la culture.

Il convient donc de changer de forum, et de ne pas laisser les économistes discuter seuls de culture. À l'appui du caractère exceptionnel de la culture, l'ouvrage montre ainsi que la diversité culturelle n'est pas seulement une question “ d'exception culturelle ” ou plus vulgairement “ de gros sous ”. Elle est aussi (surtout?) une question de norme et de droit; on peut en effet se demander si les droits culturels ne constituent pas, eux aussi, des droits fondamentaux nécessaires au respect de la dignité humaine telle que l'entend l'ONU dans ses conventions. Ils auraient alors préséance sur les marchandages caractéristiques des autres “ biens et services ” soumis à la libéralisation sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En la matière, on peut vouloir bien faire et finalement mal faire : la marginalisation des thématiques extracommerciales pose un problème quant à la reconnaissance d'une diversité culturelle qu'il peut être dangereux d'enfermer dans les termes stricts d'une convention. Le témoignage de Louise Beaudoin apporte, quant à lui, un éclairage très intéressant sur les acteurs de ces conventions, et sur les freins internes qui empêchent souvent un gouvernement d'accorder toute l'attention requise aux questions culturelles. Dans ce domaine, les gouvernements semblent pécher par manque d'initiative.

Autre aspect abordé par l'ouvrage : le thème de la technologie rapporté à la culture, et la cascade d'interrogations que suscite, à l'égard de la problématique culturelle, l'apparition des nouvelles technologies de l'information : fracture numérique entre le nord et le sud, asymétrie des flux culturels, etc… La fameuse “ société de l'information ” souvent vantée dans les forums internationaux révèle ainsi ses limites, sinon l'antinomie qui existe entre le projet de société de l'information et celui de diversité culturelle. Les articles que lui consacrent Raphaël Canet, Alain Ambrosi et François de Bernard mettent en évidence le rôle de la “ société civile ” qui se révèle en fait être un acteur de première importance de ce mouvement de reconnaissance de la diversité culturelle, soit en participant aux débats, soit en flanquant les forums internationaux concernés et en surveillant de très près ce qui s'y fait. Ils relèvent également les approches qui divisent les forums internationaux en la matière : réguler, libéraliser, ou globaliser les flux d'information?

C'est la double nature—culturelle et économique—des biens et des services culturels qui est mise en évidence en guise de conclusion. Le projet qui conduira (mais après la publication de l'ouvrage) à l'adoption de la CIDC vise essentiellement, comme le montre Gilbert Gagné, à inventer un équilibre nécessaire entre préservation de la diversité culturelle, promotion culturelle et mise en œuvre des politiques culturelles. La CIDC doit contribuer à démarginaliser la culture. Après tout, comme l'affirme Gilbert Gagné “ l'hégémonie du néolibéralisme ne renvoie en fait qu'à une pratique culturelle spécifique (…). Le commerce est avant tout une activité culturelle ”.

Ce qui fait la richesse de l'ouvrage contribue aussi à sa faiblesse : la diversité des perspectives (scientifiques ou plus engagées), les réflexions théoriques et les études de cas, les bilans et les perspectives, le caractère transversal et interdisciplinaire des approches révélées dans les diverses interventions rendent l'ouvrage particulièrement intéressant, même si on peut regretter les redites ou le caractère quelque peu déclamatoire de certaines contributions, ce qui est difficilement évitable avec un sujet aussi polémique et discuté. Il reste que cet ouvrage est un outil très utile pour qui souhaite comprendre sérieusement l'actualité de la question abordée, ainsi que les tenants et les aboutissants de la “ diversité culturelle ” en évitant l'incantation coutumière ou le dénigrement compulsif qui caractérisent de trop nombreux livres publiés sur la question.