Les ouvrages d'introduction à la communication politique en langue française ne sont pas nombreux. Aux côtés de la Sociologie de la communication politique de Philippe Riutort (collection « Repères », La Découverte, 2007) et de La Communication politique : état des savoirs, enjeux et perspectives dirigé par Anne-Marie Gingras (Presses de l'Université du Québec, 2003), La Communication politique de Jacques Gerstlé couvre une plus grande partie de ce champ interdisciplinaire et, à cet égard, tient lieu de manuel pouvant être utilisé dans le cadre de cours de premier cycle universitaire. Les lecteurs familiers avec les versions précédentes publiées aux Presses universitaires de France en 1992, puis chez Armand Colin en 2004 et 2008, ne seront pas dépaysés avec cette nouvelle édition, cosignée par Christophe Piar.
La première partie – le livre en compte deux – a une portée essentiellement conceptuelle et théorique. Le premier chapitre contraste des définitions de la communication politique inspirées par diverses approches (comportementaliste, structuro-fonctionnaliste, interactionniste et dialogique) et met en relief les dimensions symbolique, pragmatique et structurelle du champ. Le chapitre 2 expose la notion d'espace public et sa modernisation sous l'effet de la médiatisation, de la rationalisation de la compétition (avec le marketing politique et les enquêtes d'opinion, en particulier) et de la publicité politiques. Le troisième chapitre introduit le lecteur aux principaux paradigmes qui marquent l’étude des effets persuasifs de la communication politique au niveau micro (les effets direct, d'amorçage et de cadrage) et macro (par exemple, les thèses du média-malaise et du cercle vertueux).
La deuxième partie est consacrée aux pratiques de communication politique. Elle repose en bonne partie sur des études empiriques, le propos étant illustré par de nombreux exemples et tableaux de données. Le chapitre 4 est consacré à la conquête du pouvoir. On y expose la typologie, maintenant classique, des campagnes prémodernes, modernes et postmodernes. Les campagnes électorales y sont présentées comme des affrontements symboliques marqués par « l'interaction d'interprétations stratégiquement orientées de la situation politique » (119). Le chapitre 5 porte sur l'exercice du pouvoir qui prolonge en une campagne permanente les efforts communicationnels déployés avant les élections. On y distingue les attributs particuliers de la communication du président, du premier ministre et des ministères français. Enfin, le chapitre 6 examine de plus près la participation des citoyens en contrastant l'importance, pour les citoyens, des médias d'information et des relations interpersonnelles dans le développement des opinions politiques et de leur expression à travers diverses formes d'actions collectives.
Le contenu de l'ouvrage est très semblable à celui des précédentes éditions, comme en témoigne la table des matières de chacune. Toutefois, la revue de la littérature a été l'objet d'une mise à jour non négligeable (environ 20% des références bibliographiques n'apparaissaient pas dans l’édition de 2008) et plusieurs exemples ont été actualisés.
À l'instar des enseignants qui construisent leurs cours, les auteurs ont fait des choix qui caractérisent la portée de cet ouvrage. Premièrement, l'ouvrage est principalement orienté vers la vie politique intérieure française, en particulier dans la deuxième partie consacrée à la conquête et à l'exercice du pouvoir. Par conséquent, la dimension internationale, depuis longtemps explorée par la littérature sur la communication en temps de guerre et encore plus d'actualité en cette époque caractérisée par la vigueur du terrorisme international, est peu abordée. Il en va de même de certains phénomènes communicationnels moins importants en France que dans d'autres pays, en particulier la publicité télévisée, évoquée ici comme une « menace » ou une « dérive » exemplifiée par le cas américain.
Deuxièmement, l'accent est mis sur la dimension institutionnelle de la communication politique et sur ses acteurs partisans et étatiques. La communication des autres groupes, notamment les groupes d'intérêts, qui investissent des ressources croissantes dans des activités de relations publiques politiques, et les mouvements sociaux et citoyens, dont la coordination est facilitée par le développement des réseaux sociaux numériques, y reçoit peu d'attention.
Enfin, le lectorat ciblé est clairement celui des étudiants français. Les auteurs rendent justice à la littérature anglo-saxonne, notamment à la contribution de quelques politologues canadiens, mais les exemples sont principalement français et américains. Les lecteurs du Canada ou d'autres pays de la Francophonie n'y trouveront pas d'exemples liés à leur réalité nationale.
Écrit dans un langage clair et un style concis, sans pour autant négliger les exemples et l'exposé de certaines données descriptives pour illustrer le propos, ce livre demeure un excellent outil d'introduction. Enseignants et étudiants pourront le compléter par quelques autres textes, selon leur intérêt pour les secteurs du champ de la communication politique que les auteurs ont, pour d'inévitables contraintes d'espaces et de structure, choisi de laisser de côté.