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Gouverner par les instruments. - Gouverner par les instruments., Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès (sous la direction de), Paris : Presses de sciences Po, collection Gouvernances, 2004, 370 p.

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Gouverner par les instruments., Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès (sous la direction de), Paris : Presses de sciences Po, collection Gouvernances, 2004, 370 p.

Published online by Cambridge University Press:  08 June 2006

Anne Mévellec*
Affiliation:
Université d'Ottawa
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Abstract

Type
Recensions / Reviews
Copyright
Copyright © 2006 Cambridge University Press

Dans un contexte où l'analyse des politiques publiques est devenue un axe majeur de la science politique française, cet ouvrage collectif propose de placer les instruments au cœur de la sociologie de l'État et du gouvernement. Il s'agit, selon les termes de Patrick Le Galès, grâce à une sociologie politique des instruments, de « mettre en évidence les enjeux de pouvoir, les processus de naturalisation et de dépolitisation, de légitimation ou de délégitimation des instruments, et les effets qu'ils produisent » (p. 237). Dans leur introduction générale, les éditeurs de la publication, Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, rappellent clairement les racines théoriques d'une approche par les instruments, ainsi que les hypothèses qui ont guidé la réflexion des contributeurs de l'ouvrage. L'angle retenu ici n'est pas celui de la nature des instruments, mais de leurs effets sur l'action publique. Dans une perspective néo-institutionnelle, les instruments sont considérés comme un type particulier d'institution dont il convient d'interroger les effets concrets et politiques. L'instrument d'action publique est envisagé comme un moyen de saisir la nature du rapport gouvernants/gouvernés, c'est-à-dire de théoriser la politique, tout en prenant au sérieux sa capacité à produire des effets indépendants des objectifs initialement affichés. Pour ce faire, un fort parti pris empirique a été retenu dans chacune des contributions, sans pour autant négliger des propositions plus théoriques, à la fois par chacun des auteurs, et par les éditeurs.

L'ouvrage est organisé en deux parties. Une première série de chapitres est l'occasion d'insister sur les propriétés de différents types d'instruments et sur le processus qui les accompagne (soit les changements de valeurs qui leur sont attribués, soit les différentes manières dont ils sont mobilisés). Ils portent respectivement sur la géographie prioritaire à travers la mise en oeuvre de la politique de la ville en France (Philippe Estèbe), sur le calcul de la masse salariale de la fonction publique dans une perspective de réforme de l'administration française (Philippe Bezes), sur l'élaboration et les usages de la normalisation par l'État français et par l'Union Européenne (Oliver Borraz), sur l'accumulation d'instruments juridiques, techniques et comptables dans le fonctionnement municipal (Dominique Lorrain) et enfin sur le projet urbain défini comme un mode d'action collective et considéré comme objet d'analyse (Gilles Pinson). La seconde partie de l'ouvrage regroupe des contributions considérant les instruments comme des révélateurs du changement de l'action publique. Sont présentés tour à tour les exemples des instruments de contrainte utilisés par le gouvernement britannique à l'égard des autorités locales (Patrick Le Galès), du passage d'un système de retraite fondé sur la répartition à un système fondé sur la capitalisation (Bruno Palier), des réformes bancaires en France et en Italie (Olivier Butzbach et Emaliano Grossman) et enfin de la méthode ouverte de coordination (MOC) initiée par l'Union Européenne (Renaud Dehousse).

À travers la diversité des instruments étudiés (nature, localisation, acteurs concernés), la question du changement est au cœur de l'ensemble des contributions, y compris celles de la première partie. En considérant les instruments d'action publique comme le reflet d'un contexte social spécifique et non comme une technique qui serait neutre, les différents auteurs montrent également que ces instruments participent à produire leurs propres représentations et par là même à créer des effets induits. De plus, ils remarquent que, malgré des effets d'affichage, la création de nouveaux instruments se révèle être un phénomène plutôt rare. Il importe donc d'adopter une lecture sociohistorique des politiques publiques et de leurs instruments pour en saisir les différentes formes de recyclage et de ré-habillage.

Comme l'expriment clairement Patrick Le Galès et Pierre Lascoumes dans leur chapitre de conclusion, les instruments constituent un angle fécond d'étude de l'action publique, en permettant de renouveler des interrogations traditionnelles, tout en offrant une boîte à outils pour mieux saisir les formes changeantes de l'action publique. Quatre leçons se dégagent de l'exercice : le changement d'instrument représente souvent l'invalidation des instruments précédents plutôt qu'une modification des objectifs de l'action publique; travailler sur et à partir des instruments permet de mieux évaluer les transformations réelles de l'action publique; les instruments ne sont pas des techniques neutres mais participent à la production et à la stabilisation de représentations sociales et politiques qui, elles-mêmes, structurent l'espace politique; enfin, les instruments permettent de discuter la pertinence de la notion quelque peu sur-utilisée de dépendance au sentier.

L'ouvrage offre l'occasion de considérer les politiques publiques dans leur aspect « mise en œuvre », sans pour autant se borner à des considérations techniques, mais intégrant bien les aspects politiques des instruments et de leurs usages. La diversité des instruments étudiés offre un panorama intéressant pour tous ceux qui tentent de réfléchir sur les politiques publiques et le changement. Cet ouvrage pose clairement les termes et les enjeux du débat grâce à une cohérence éditoriale qui fait de ce collectif bien plus qu'une simple juxtaposition de monographies. En cela, il constitue un ouvrage de référence pour l'analyse de l'action publique.