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De l'Etat à l'Union européenne François Foret Éditions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2015, 176 pages

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De l'Etat à l'Union européenne François Foret Éditions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2015, 176 pages

Published online by Cambridge University Press:  28 November 2016

Louis Clerc*
Affiliation:
Université de Turku
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Abstract

Type
Reviews/Recensions
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 2017 

L’État en Europe vit des jours agités. Depuis la fin de la Guerre Froide, il est contesté comme forme d'organisation et comme foyer d'identification : ainsi que le résumait John Newhouse déjà en 1997, « L’État-nation est trop grand pour la vie de tous les jours, et trop petit pour s'occuper d'affaires internationales. » (« The nation-state is too big to run everyday life, and too small to manage international affairs. » (John Newhouse, « Europe's Rising Regionalism », Foreign Affairs, Janvier/Février 1997). Mais l’État est aussi l'objet d'une demande croissante, que révèle bien un rapide coup d’œil au débat public européen : l’État est attendu sur tous les fronts, du tabagisme au réchauffement climatique. L’État, bien qu’évolutif, mutant, reste le centre de gravité de la politique contemporaine, la principale forme d'organisation et d'identification. La superstructure européenne le surplombe, le prive de certaines de ses prérogatives mais le renforce aussi, le sauvegarde, lui donne des possibilités nouvelles.

Cette position de l’État contemporain dans le cadre de l'Union Européenne est le point focal de ce livre, qui expose la logique du développement politique de l'Europe moderne à travers les rapports de deux formes successives et concomitantes, l’État et l'UE.

La réflexion de l'auteur s'organise en trois phases. Le premier chapitre du livre revient sur les différentes trajectoires de développement des États en Europe et sur les éléments qui expliquent le développement de ces différentes formes d’État. L'auteur expose différents idéaux-types d’États forts et faibles, différentes cultures politiques et administratives, et leur relation à l'intégration européenne. Il replace l'UE dans le prolongement de ce développement des États en Europe, comme une structure héritière de cette histoire. Cette partie offre un utile rappel des étapes marquant l’émergence des États européens comme formes spécifiques d'organisation des groupes humains basée sur la gestion centralisée de certaines fonctions régaliennes. Foret revient aussi sur les différentes formes d’émergence de l’État (basé sur des évolutions économiques avec Wallerstein et Moore, ou basé sur des évolutions culturelles comme les phénomènes nationaux du 19e siècle), poursuivant avec des études de cas, de l’État faible mais ambigu britannique à l’État fort et centralisé français. La Belgique apparaît dans ces différents cas comme un État éclaté à l'identité floue, que l'auteur présente comme véritable éprouvette de l'expérience européenne.

Le deuxième chapitre est une réflexion sur la nature du système politique et institutionnel européen qui émerge au plan supranational dans les années 1950. Est-ce que cela relève de la même logique, l'UE étant en fait un super-État européen ? L'auteur replace donc l'UE dans une typologie des systèmes politiques, appelant un constat assez classique : l'UE est une forme sui generis et, qui plus est, évolutive dans le cadre de ses traités constitutifs. Ce modèle tient à la fois de la fédération imparfaite, de l'association d’États, de l'autorité de régulation légale et technique, et d'un type hybride d'empire bienveillant.

Enfin, le livre revient sur l'UE comme forme de gouvernement et comme communauté politique, relevant la mutation de la notion même d’État qu'entraîne l'appartenance à l'UE et la manière dont les façons de communiquer entre élites et population s'adaptent ou pas. Il fait une présentation rapide des différents forums du système européen et des rôles joués dans ces forums par les acteurs nationaux et supranationaux. Enfin, le livre se termine par une réflexion sur l'identité européenne et l'existence ou non d'un espace public européen. L'auteur rappelle l’émergence d'un espace européen du politique, dans lequel l'identité européenne reste toutefois un référent évanescent et subordonné à d'autres grands récits. On notera dans ce dernier chapitre une réflexion intéressante sur la communication européenne, particulièrement utile comme base de réflexion pour tous ceux travaillant sur des problématiques de communication internationale. On retiendra par ailleurs que le livre, en étant centré sur l’État, met l'accent sur les formes et les architectures administratives régissant la vie internationale, mais se concentre moins sur les nations et par exemple les aspects culturels.

Le livre offre donc une bonne introduction à son sujet, qui fonctionnera dans un cadre universitaire comme première approche à cette problématique dans une littérature déjà conséquente. Le livre se termine sur un exercice intéressant, l'auteur présentant deux scénarios hypothétiques pour le futur de l'UE, prolongeant les évolutions actuelles dans deux directions différentes. La plus pessimiste de celles-ci, mettant en avant une déstructuration non seulement de l'UE mais aussi des États européens eux-mêmes, présente sous un jour sinistre des sociétés européennes « post-étatiques ». On repose le livre sur cette note de sourde inquiétude pour l'avenir de l'Europe; au moins dispose-t-on à présent de quelques éléments permettant de juger en connaissance de cause l’état actuel de ce continent.