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Brève histoire de la gauche politique au Québec : de l'action politique ouvrière à Québec solidaire François Saillant, Montréal : Éditions Écosociété, 2020, pp. 272

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Brève histoire de la gauche politique au Québec : de l'action politique ouvrière à Québec solidaire François Saillant, Montréal : Éditions Écosociété, 2020, pp. 272

Published online by Cambridge University Press:  02 August 2022

Jonathan Durand Folco
Affiliation:
Université Saint-Paul
Emanuel Guay
Affiliation:
Université du Québec à Montréal (guay.emanuel@courrier.uqam.ca)
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Recension/Book Review
Copyright
Copyright © The Author(s), 2022. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Avec ce deuxième ouvrage aux éditions Écosociété, qui fait suite à un premier livre portant sur les luttes pour le droit au logement (Saillant, Reference Saillant2018), l'organisateur communautaire François Saillant offre une analyse de différentes initiatives qui ont participé, dans les cent quarante dernières années au Québec, à « la tentative inlassablement répétée de porter la cause des travailleurs et des travailleuses sur la scène politique en vue de la construction d'une société plus juste, égalitaire, socialiste dans le sens large du terme » (14). Ce survol historique aspire tant à entretenir une « mémoire militante » qu’à contribuer aux discussions en cours au sein de la gauche québécoise.

Le premier chapitre montre les efforts de la gauche canadienne-française entre 1880 et 1920 pour faire une percée sur la scène électorale. Les campagnes menées durant cette période par des candidatures ouvrières s'inscrivent dans « la défense des intérêts d'une classe sociale exploitée, cherchant à s'affirmer et désireuse de voter pour les siens, en espérant qu'ils feraient mieux que des députés des partis traditionnels » (33). Le deuxième chapitre se concentre sur les initiatives électorales de la gauche au Québec entre 1921 et 1959, années marquées par la Grande Dépression, la Deuxième Guerre mondiale et une forte répression des mouvements progressistes par les gouvernements successifs de Maurice Duplessis. L'auteur constate que « tant le [Parti communiste du Canada] que la [Fédération du Commonwealth coopératif] ont voulu plaquer des analyses et des stratégies conçues au Canada anglais (et souvent à Moscou, dans le cas du PCC) sur la réalité québécoise, sans se donner la peine de tenter de comprendre la spécificité de celle-ci » (58). Le troisième chapitre examine la convergence croissante, dans la foulée de la Révolution tranquille, entre la gauche et le mouvement nationaliste québécois, comme en témoignent la dissolution du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) deux semaines après la fondation du Parti québécois, afin de permettre aux militants et militantes du premier parti de rejoindre le second, ainsi que des événements comme l’émeute durant le défilé de la Saint-Jean-Baptiste en 1968 et l'Opération McGill français en 1969 (83–85). Dans le chapitre suivant, Saillant prête attention à l’émergence, au cours des années 1970, d'une « gauche orpheline », qui ne se reconnaît plus ni dans un Parti québécois soupçonné de « ne viser que la consolidation de la bourgeoisie francophone sans remettre d'aucune façon en question le capitalisme ou l'impérialisme étatsunien », ni dans l'avant-gardisme et le dogmatisme du mouvement marxiste-léniniste (100–101).

Le cinquième chapitre se penche sur la décennie 1980 et les nombreux défis qui l'ont émaillée – incluant une récession mondiale, l'essor du néolibéralisme et l'effondrement des groupes d'extrême gauche actifs au Québec durant les années 1970 (106–109). Les deux principales formations politiques de gauche au cours de cette période, le Mouvement socialiste et le Regroupement pour le socialisme, se sont respectivement trouvées en proie à un manque de cohésion interne (120) et à une fatigue militante liée à une conjoncture défavorable (136–138). La décennie 1990 est présentée dans le chapitre suivant comme une phase de reconstruction, engagée notamment à la suite du deuxième échec référendaire et de la politique du déficit zéro prônée par le gouvernement de Lucien Bouchard (146–149). Ces années sont marquées par la transformation en 1995 du Nouveau Parti démocratique du Québec en Parti de la démocratie socialiste (157), puis par un effort d'unification de la gauche autour du Rassemblement pour une alternative politique à partir de 1997 (162–163).

Saillant brosse ensuite un portrait du processus qui a mené à la fondation de Québec solidaire (QS) en 2006. Celle-ci est le fruit d'un travail soutenu de négociation entre l'Union des forces progressistes (UFP), qui fédérait plusieurs initiatives associées aux milieux partisan et syndical, et Option citoyenne (OC), qui a plutôt émergé des mobilisations menées au cours des années 1990 par le mouvement des femmes et les organismes communautaires (203). Le huitième chapitre porte sur l’évolution électorale de QS. L’élection d'Amir Khadir en 2008 et les avancées qui l'ont suivie prouvent que ce parti « [est] plus que la simple addition de l'UFP et d'OC. Il s'est doté d'une identité et de façons de faire qui lui sont propres et qui, tout en s'inspirant de la pratique des deux entités fondatrices, parviennent à l'en différencier » (227). Dans la conclusion, l'auteur met en lumière quelques facteurs qui permettent de comprendre le succès de QS par rapport aux autres partis étudiés dans son ouvrage : une attention portée sur ce qui fédère plutôt qu’à ce qui divise les forces de gauche (236), un équilibre entre la fidélité à ses principes fondateurs et l'ouverture à une pluralité d'opinions (238), l'intervention dans les luttes sociales (239), le souci de maintenir une vie organisationnelle dynamique (240), des finances bien gérées et des stratégies de communication habiles (241). Il reconnaît toutefois les défis que la croissance du parti pose à sa démocratie interne (243) et partage son souhait, dans la postface du livre, que QS demeure un « parti processus » et continue à élargir ses rangs au cours des prochaines années par la pédagogie politique et l’écoute de la population (246–247).

Brève histoire de la gauche politique au Québec est riche d'enseignements permettant de mieux comprendre l’évolution des forces progressistes québécoises au cours des dernières décennies. Il aurait été intéressant que Saillant prenne une position plus tranchée sur certains enjeux qui divisent actuellement la gauche, notamment la place qui devrait être accordée à la question nationale, la lutte contre le racisme systémique, les tensions et les convergences possibles entre les partis et les mouvements sociaux, les stratégies pour élargir la base électorale et les alliances potentielles avec d'autres formations politiques. Son analyse permet tout de même de situer ces enjeux dans une trajectoire longue, traversée par des balbutiements, des crises et des avancées. Les nombreuses leçons et réflexions contenues dans cet ouvrage, tant sur les partis politiques de gauche au Québec que sur le contexte social dans lequel leurs activités se déroulent, en justifient largement la lecture.

References

Bibliographie

Saillant, François. 2018. Lutter pour un toit. Douze batailles pour le logement au Québec. Montréal : Éditions Écosociété.Google Scholar