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Au sein de la Maison-Blanche. La formulation de la politique étrangère des Etats-Unis.
Published online by Cambridge University Press: 15 March 2006
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Au sein de la Maison-Blanche. La formulation de la politique étrangère des Etats-Unis., David, Charles-Philippe, Québec : Presses de l'Université Laval, deuxième édition, 2004, 737 p.
Charles-Philippe David est un chercheur francophone bien connu dans les milieux académiques de la discipline des relations internationales. Il a publié un bon nombre d'ouvrages et d'articles sur la sécurité internationale, les études stratégiques et diplomatiques et la politique américaine. Ses travaux de langue française sont particulièrement importants et bienvenus chez les chercheurs et les étudiants francophones s'intéressant à une discipline où la langue de Shakespeare est largement prédominante. David récidive donc avec la 2e édition de ce volumineux livre de quelque 700 pages, avec l'addition d'un chapitre sur la présidence de George W. Bush et d'une étude de cas sur l'invasion de l'Irak. L'objectif général de l'auteur est d'analyser de l'intérieur la formulation de la politique extérieure des États-Unis, de Truman à Bush, le fils. L'angle d'analyse de Charles-Philippe David est particulier, dans le sens où il défie les théories des relations internationales systémiques, sociétales ou rationnelles auxquelles les étudiants sont souvent invités à s'intéresser.
- Type
- BOOK REVIEWS
- Information
- Canadian Journal of Political Science/Revue canadienne de science politique , Volume 39 , Issue 1 , March 2006 , pp. 198 - 200
- Copyright
- © 2006 Cambridge University Press
Charles-Philippe David est un chercheur francophone bien connu dans les milieux académiques de la discipline des relations internationales. Il a publié un bon nombre d'ouvrages et d'articles sur la sécurité internationale, les études stratégiques et diplomatiques et la politique américaine. Ses travaux de langue française sont particulièrement importants et bienvenus chez les chercheurs et les étudiants francophones s'intéressant à une discipline où la langue de Shakespeare est largement prédominante. David récidive donc avec la 2e édition de ce volumineux livre de quelque 700 pages, avec l'addition d'un chapitre sur la présidence de George W. Bush et d'une étude de cas sur l'invasion de l'Irak. L'objectif général de l'auteur est d'analyser de l'intérieur la formulation de la politique extérieure des États-Unis, de Truman à Bush, le fils. L'angle d'analyse de Charles-Philippe David est particulier, dans le sens où il défie les théories des relations internationales systémiques, sociétales ou rationnelles auxquelles les étudiants sont souvent invités à s'intéresser.
Ainsi, l'auteur est d'avis que, pour étudier adéquatement la formulation de la politique étrangère américaine, que ce soit dans ses déboires ou ses succès, il faut avant tout comprendre l'évolution des processus décisionnels et bureaucratiques, de même que les problèmes cognitifs et organisationnels et les déterminants psychologiques des différents acteurs de la scène intérieure. En ce sens, c'est par l'étude de l'évolution du Conseil national de sécurité et celle des institutions et des acteurs qui transigent avec ce dernier, que l'auteur analyse son sujet. Il prend aussi un soin particulier à étudier les relations cruciales entre conseillers et décideurs. Il avance, entres autres, que les facteurs de styles et de personnalité peuvent expliquer les actions des diverses administrations américaines. En ce qui concerne cet ouvrage, l'auteur ne s'inscrit pas dans les grands courants traditionnels des relations internationales et le message qu'il veut communiquer concorde avec cette position : la formulation de la politique étrangère américaine n'est pas aussi rationnelle qu'on pourrait le croire, étant donné, justement, que plusieurs facteurs cognitifs, bureaucratiques ou décisionnels peuvent entrer en ligne de compte et expliquer les actions de l'administration.
Le cœur du sujet est très bien introduit par un chapitre sur les théories d'analyse du processus décisionnel, suivi d'un chapitre sur le système décisionnel américain lui-même et d'un autre sur le contexte décisionnel. D'entrée de jeu, le lecteur peut donc situer l'auteur par rapport aux diverses théories et saisir pourquoi David emprunte la voie de l'étude de la prise de décision interne. De plus, en procédant ainsi, il permet au lecteur de mieux comprendre le jeu des multiples variables bureaucratiques et institutionnelles qui sera présenté, ainsi que les modèles d'analyse et les typologies employés. Par la suite, l'auteur découpe son exposé en chapitres divisés selon les grandes périodes de l'importance du Conseil national de sécurité dans l'administration américaine. À l'intérieur de chaque chapitre, il reprend systématiquement le même modèle d'analyse, ce qui rend l'ouvrage quelque peu répétitif, mais assure un traitement juste et équitable de chacune des administrations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, l'étude de chacune des administrations comporte une analyse contextuelle historico-politique, un traitement de la gestion du processus décisionnel, un compte-rendu de l'influence du Conseil national de sécurité, un bilan décisionnel et une étude de cas d'une crise particulière. L'auteur traite donc son sujet de façon systématique, structurée et compréhensive. Le livre de Charles-Philippe David permet, après coup, de nuancer avec subtilité les décisions formulées en politique étrangère américaine. Il permet d'étudier les interactions entre les acteurs les plus importants sur le plan décisionnel, que ce soit au niveau des rivalités bureaucratiques, organisationnelles ou politiques.
Selon nous, le défaut de l'ouvrage ne réside pas tant dans l'information, son traitement ou la façon dont elle est présentée que dans le type d'analyse adopté par l'auteur. En choisissant d'expliquer la formulation de la politique étrangère américaine par l'étude de la prise de décision interne, David tire son information de sources primaires, mais il a recours souvent à des mémoires, des récits journalistiques et des livres qui ne sont pas vraiment à l'abri des filtres ni des partis pris. Toutefois, il est important de préciser qu'il contourne ce piège en utilisant une riche variété de sources et en prenant soin de présenter les deux côtés de la médaille. Il n'hésite pas, par exemple, à citer plusieurs mémoires, biographies ou éditoriaux journalistiques contradictoires afin de laisser au lecteur l'objectivité nécessaire à l'analyse du processus décisionnel. Il finit par trancher et conclure en fonction de sa propre subjectivité, mais seulement après avoir présenté au lecteur une situation qui pourrait justifier une opinion différente. Le traitement de la présidence de Kennedy est un excellent exemple. L'auteur fait preuve de rigueur et il présente à la fois les thèses provenant de mémoires ou de biographies révisionnistes et celles qui sont plus clémentes. Nous avons trouvé intéressant que plusieurs thèmes importants soient étudiés tout au long de l'ouvrage, comme par exemple la politisation du rôle du conseiller à la sécurité nationale (le traitement de Kissinger est crucial à cet égard) et les éternelles rivalités bureaucratiques entre, notamment, le Pentagone et le Département d'État. L'attention n'est donc pas concentrée uniquement sur le Conseil national de sécurité. En outre, l'auteur prend soin de retracer historiquement le processus interne qui a centralisé le pouvoir à la Maison blanche. L'analyse du comportement des présidents renvoie à des typologies simples et intéressantes prises chez d'autres auteurs et qui permettent au lecteur de classer les présidents et de retenir aisément leurs principaux traits psychologiques, cognitifs et décisionnels. En dernier lieu, l'auteur accorde beaucoup d'importance aux facteurs cognitifs et organisationnels qui ont marqué les présidences et qui ont souvent expliqué leurs échecs. Par exemple, le lecteur apprend qu'à certains moments, la collégialité chez Kennedy a pu jouer contre lui, ou que les extrêmes de la pensée groupale chez Bush le fils ont limité l'accès à des informations provenant de multiples sources, etc.
Notons en conclusion que l'auteur parvient à éviter au lecteur une lecture morne et lourde des processus décisionnels. Son style léger et l'application des particularités qui ont marqué le processus décisionnel de chacune des administrations à une étude de cas de crise facilite la compréhension du jeu des acteurs internes. Nous croyons que ce livre intéressera autant les étudiants en science politique qu'en administration publique, ou encore tous ceux qui voudraient en apprendre davantage sur la politique étrangère américaine d'un point de vue strictement interne.