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Armed conflict, women and climate change Jody M. Prescott, New York : Routledge, 2018, pp.258

Published online by Cambridge University Press:  04 November 2019

Bénédicte Santoire*
Affiliation:
Université de Montréal
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Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 2019

Dans Armed conflict, women and climate change, Jody M. Prescott tente de faire une analyse croisée des conflits armés et des changements climatiques à l'heure actuelle, en lien avec le genre. Dans les endroits où les deux phénomènes font rage, les impacts sont davantage sévères pour les femmes et les jeunes filles. Ces vulnérabilités doivent être considérées dans les pratiques militaires contemporaines, particulièrement dans les opérations axées sur les civiles (souvent considérées comme étant neutres sur le plan du genre). L'auteur étant un avocat militaire ayant travaillé dans de multiples organisations internationales, cet ouvrage est un résultat de sa propre expérience à travers le monde, au sein de l'armée américaine et de l'OTAN.

D'un point de vue analytique, l'auteur propose d’étudier les différents éléments de manière séparés afin de dénouer la complexité de leur entrelacement. Il procède donc à une large revue de littérature théorique, tout en illustrant avec plusieurs études de cas et donnant des exemples du milieu pratique, dans le but premier d'opérationnaliser de manière plus efficace les buts et principes de la Résolution 1325 sur les Femmes, la Paix et la Sécurité. Rappelons que cette dernière, adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies en 2000, est un effort mondial pour établir une plateforme sur laquelle baser les politiques nationales et internationales dans l'objectif d'assurer une plus grande protection des femmes et filles pendant et après les conflits, la participation égale dans tous les efforts de maintien de la paix et de la sécurité, la normalisation (mainstreaming) des perspectives de genre dans les opérations de paix et la mise en œuvre de formations spécialisées pour tout le personnel déployé en zones affectées.

Dans le chapitre 1, l'auteur expose les impacts différenciés de la guerre sur les femmes à travers un vaste état de la littérature actuelle. Les femmes civiles ayant des rôles familiaux traditionnels sont moins susceptibles d'avoir des emplois rémunérés en dehors de la maison et ont généralement de plus faibles niveaux d’éducation, les conflits armés ont donc tendance à exacerber ces inégalités. Les femmes réfugiées, elles, font face à de grands risques sur le plan des discriminations, des violences puis de la santé (absence d'installations sanitaires dans les camps, risques de grossesses, maladies, insécurités alimentaires, et ainsi de suite). Les femmes combattantes, quant à elles, sont souvent ignorées dans les programmes de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR) et font face à un grand stigma social au retour à la vie civile.

Les changements climatiques affectent de manière disproportionnée les pays et régions en voie de développement et plus particulièrement ceux en zones côtières basses et dépendants de l'agriculture pluviale. Dans le chapitre 2, Prescott expose les impacts différenciés des changements climatiques et catastrophes naturelles sur les femmes en raison de l'accès inégal aux ressources naturelles, aux manques d'opportunités de changer leur mode de vie, de l'exclusion des sphères de prise de décision, des inégalités dans la production agricole et droits fonciers, des insécurités liées à l'accès à l'eau potable, l'acquisition de biocarburants et la nourriture, puis des risques liés aux maladies, à l'urbanisation massive, et aux vagues migratoires qui s'en suivent. Dans le chapitre 3, il tente de faire une lecture croisée entre les conflits armés et les dégradations environnementales telles que la destruction des infrastructures agricoles, la mauvaise gestion des ressources suite à l'effondrement de la gouvernance, la désertification, la déforestation, et ainsi de suite. Il conclut en affirmant qu'il n'existe aucun consensus scientifique sur le lien empirique et la causalité entre les deux (est-ce les changements climatiques qui mènent aux conflits ou l'inverse?).

Par la suite, Prescott procède à une large étude comparée des considérations de genre dans les doctrines, entraînements et stratégies militaires de l'OTAN (chapitre 4), du Royaume-Uni (chapitre 5), des États-Unis (chapitre 6), de l'Australie (chapitre 7) et plus généralement dans le reste du monde occidental (chapitre 9). Il se penche particulièrement sur la manière dont chacun de ces pays et organisations opérationnalisent les buts et principes de la Résolution 1325 et institutionnalisent le genre dans leurs rangs. L'auteur note que les États-Unis ont régressé en ce qui a trait aux considérations du genre et de la protection environnementale dans l'armée américaine, particulièrement depuis l'administration Trump.

Finalement, dans le chapitre 8, l'auteur examine comment le droit international humanitaire (DIH) présente de nombreux défis à l'application et nécessite une réévaluation dans l'approche. Selon lui, les notions « masculines-normatives » des outils de droit international quant à la protection des femmes sont liées à un héritage découlant de la perception historique des femmes comme étant victimes et faibles vis-à-vis des hommes (193).

En conclusion, l'argument principal de Prescott est que les considérations de genre doivent impérativement être incluses dans toutes les doctrines, formations, enseignements et stratégies militaires. L'ouvrage Armed conflict, women and climate change apporte donc une contribution intéressante et actuelle au domaine en tentant d'expliciter les défis des interventions militaires et des opérations de paix, à l'intersection complexe des conflits armés, des changements climatiques et du genre. Malgré le fait que Prescott adopte une approche exclusivement opérationnelle, stratégique et institutionnelle dans cet ouvrage, celui-ci demeure toutefois critique face à la nature conservatrice des organisations militaires, de l'omniprésence des hommes dans celles-ci, de la rigidité aux changements organisationnels et des approches normatives sur le plan du genre. Il pose également un regard critique quant à la déconnexion entre les politiques et les stratégies militaires, les défis de leur intégration aux milieux pratiques et la difficulté de les opérationnaliser de manière concrète. Celui-ci argumente que, l'incapacité d'adresser ces variables a un impact négatif sur la prévention et la résolution des conflits, la reconstruction d'après-guerre ainsi que la consolidation de la paix.

Enfin, bien qu'on ne puisse reprocher à un livre ce qu'il ne prétend pas faire, il aurait toutefois été grandement apprécié de lire une réflexion féministe profonde à la fois sur les enjeux soulevés ainsi que sur la positionnalité de l'auteur comme chercheur blanc et américain. L'ouvrage donne un point de vue exclusivement institutionnel sur le phénomène et se situe dans le paradigme dominant des relations internationales. Les lecteurs désireux d'en connaître plus devront donc puiser dans des ouvrages complémentaires offrant un regard plus vaste sur les différentes traditions épistémologiques et féministes du champ.