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Agir maintenant pour le Québec de demain, sous la direction de Luc Godbout.

Published online by Cambridge University Press:  07 March 2008

Mélanie Bourque
Affiliation:
Université du Québec en Outaouais
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Agir maintenant pour le Québec de demain, sous la direction de Luc Godbout., Luc Godbout, Les Presses de l'Université Laval, 2006, 264 pages.

L'ouvrage Agir maintenant pour le Québec de demain s'est fixé trois objectifs. Le premier est de mettre en lumière les positions divergentes des Lucides et des Solidaires; le second est d'ouvrir le dialogue entre les tenants de l'une et l'autre tendance; le troisième est de trouver des pistes de solutions qui pourront assurer le maintien des programmes sociaux tels qu'ils existent aujourd'hui pour les générations futures. On peut affirmer que l'ouvrage atteint le premier et le troisième objectifs, mais on ne peut en dire autant du second objectif, puisque le dialogue semble pour le moins difficile.

Type
REVIEWS / RECENSIONS
Copyright
© 2008 Canadian Political Science Association

L'ouvrage Agir maintenant pour le Québec de demain s'est fixé trois objectifs. Le premier est de mettre en lumière les positions divergentes des Lucides et des Solidaires; le second est d'ouvrir le dialogue entre les tenants de l'une et l'autre tendance; le troisième est de trouver des pistes de solutions qui pourront assurer le maintien des programmes sociaux tels qu'ils existent aujourd'hui pour les générations futures. On peut affirmer que l'ouvrage atteint le premier et le troisième objectifs, mais on ne peut en dire autant du second objectif, puisque le dialogue semble pour le moins difficile.

En introduction, le directeur de l'ouvrage pose les problèmes du vieillissement de la population et des finances publiques. Ceux-ci risquent, selon lui, d'affecter le niveau de services que recevront les générations futures. Il insiste donc sur le nécessaire dialogue entre les tenants du Manifeste des lucides, paru à l'automne 2005, et ceux du Manifeste pour un Québec solidaire, paru peu après. Il affirme d'entrée de jeu qu'il ne s'agit pas “d'un débat idéologique gauche/droite” (1). Toutefois, la lecture des textes produits, entre autres, par Claude Castonguay, Joseph Facal, Pierre Fortin, Alain Noël et Bernard Élie, montre tout à fait le contraire. Il s'agit d'ailleurs de l'un des aspects les plus intéressants du livre puisque l'on retrouve très rarement des positions opposées à ce point dans un même ouvrage. Certains, comme Bernard Élie et Pierre Paquette, tentent de créer des ponts, mais les convictions des uns ne réussiront certainement pas à convaincre les autres. Après un exposé sommaire des idées principales du livre, on sera en mesure de constater que, malgré les quelques pistes de solutions proposées pour régler les problèmes des finances publiques et du changement démographique, il s'agit bel et bien d'un débat idéologique. Bien que l'idée d'ouvrir un dialogue entre les opposants ait été noble, elle est loin d'en réconcilier les tenants.

La plupart des auteurs qui ont participé à cet ouvrage affirment que le vieillissement de la population et les finances publiques posent le problème de l'équité pour les générations futures. Le texte de Luc Godbout et celui de Mario Albert sont consacrés à démontrer que le choc démographique est inévitable et qu'il aura de lourdes conséquences pour les générations futures. Ils proposent certaines pistes de solutions, comme celle de la taxation proportionnelle à la consommation. D'autres mesures qui pourraient corriger les effets des changements démographiques sont, entre autres, proposées par Nicolas Marceau, qui insiste sur le fait que la solution réside dans l'augmentation des tarifs d'électricité avec un programme de compensation pour les moins nantis. Quant à lui, Pierre Beaulne insiste sur l'amélioration du soutien aux bas salariés et sur l'incitation au travail.

Au-delà de cette recherche de solutions, présentées pour la plupart par des économistes, le débat idéologique entre les Lucides et les Solidaires constitue le centre de l'ouvrage. Les textes de Joseph Facal, de Pierre Fortin et d'Alain Noël en témoignent. De manière assez juste, Joseph Facal affirme que le Manifeste des lucides a lancé un débat d'idées au Québec. On peut regretter, cependant, que l'auteur reste fermé à tout dialogue. Il écrit par exemple : “la croissance économique est la première condition, non la seule, de la vraie solidarité sociale, pas de cette solidarité incantatoire que seuls peuvent se permettre ceux qui ne seront jamais au pouvoir, qui n'auront jamais la responsabilité de concrétiser les rêves qu'ils auront fait miroiter et, qui, très souvent, dissimulent mal leur hostilité larvée à l'endroit de ceux qui livrent des choses aussi triviales et vulgaires que de créer des emplois et de la richesse” (14). Il semble que pour Joseph Facal les Lucides soient en possession tranquille de la vérité.

Pierre Fortin n'est pas en reste. Dans un texte qui ressemble au petit catéchisme et aux brochures (voir Robert Bovier. 1952. Le Communisme destructeur. Archevêché de Saint-Boniface, Manitoba) produites par l'Église catholique des années 1950, il développe un argumentaire manichéen qui oppose la vérité des Lucides aux erreurs des Solidaires. Les vingt-deux erreurs du manifeste pour un Québec solidaire propose un argumentaire peu articulé. Il procède par juxtaposition à la présentation de ce qu'il considère comme des erreurs du Manifeste des solidaires et répond ensuite de façon succincte. Le texte est donc dépourvu de fil conducteur et ne développe pas d'argument général, si ce n'est de s'opposer de façon assez élémentaire aux propositions des Solidaires sans apporter de nouvelles idées aux débats. Certes, l'auteur procède à un bombardement de chiffres qui peut sans doute convaincre certains. Il vise ainsi à persuader le lecteur qu'il est impossible de contenir la hausse des prix des médicaments, que les impôts sont correctement distribués, que les inégalités ne se sont pas accrues, que la dette constitue une menace imminente et ainsi de suite. Il semble qu'en dernière analyse, pour Facal comme pour Fortin, le débat politique souhaité devrait nécessairement se conclure par l'affirmation de la justesse des seules idées des Lucides.

Alain Noël, propose, au contraire, un texte qui le positionne dans le camp des Solidaires. Il insiste sur le fait que le débat lancé par le Manifeste des lucides porte sur les fondements du débat politique au Québec. La lecture de l'ensemble des textes de l'ouvrage montre à quel point il a vu juste. Son article vise à montrer qu'au-delà des idées, le débat est beaucoup plus profond puisqu'il porte sur la conception de la citoyenneté et sur le choix de pactes sociaux. Il commence par défaire certains “mythes lucides” en montrant de façon tout à fait claire que les idées sur la mondialisation, l'immobilisme et le vieillissement de la population que véhicule le Manifeste des lucides s'inscrivent dans un courant très répandu en Europe comme en Amérique du Nord. Il procède ensuite à l'examen de chacun des éléments du manifeste. Il soutient, par exemple, que la mondialisation n'a probablement pas eu les effets négatifs que certains prétendent déceler. Il affirme : “Les principaux déterminants de ces changements ont plutôt été politiques, les partis de droite au pouvoir étant plus susceptibles de réduire les dépenses sociales sans contrepartie alors que les partis de gauche avaient tendance à compenser les coupures par l'introduction de mesures répondant à de nouveaux besoins …” (166). L'intérêt du texte de Noël est donc de remettre en perspective les positions de chacun en se référant aux dimensions politiques du débat. Il termine en insistant sur le fait que c'est le jeu de la démocratie qui doit s'imposer et non les solutions toutes faites que semblent vouloir dicter les Lucides.

On constate ainsi que le débat idéologique constitue le cœur de l'ouvrage et que le passage à l'acte, un objectif sous-jacent implicite selon le titre du livre, sera pour le moins difficile à entreprendre. Pour reprendre les termes d'Alain Noël : “Le vieux clivage entre la gauche et la droite n'est donc pas mort” (166).