1. Introduction
Les pronoms résomptifs (PRs) sont les éléments qui se situent sur le site de variables et qui fonctionnent comme les variables liées d'un opérateur dans une position Aʹ.Footnote 1 Deux types de PRs sont souvent distingués : les vrais PRs/les résomptifs grammaticaux et les pronoms intrusifs (Sells Reference Sells1984). Certains travaux parlent de la même distinction en employant des termes différents : l'emploi général des pronoms résomptifs, d'un côté, et l'emploi intrusif des pronoms résomptifs, de l'autre.
Par l'emploi du terme « grammatical », les auteurs veulent surtout spécifier que ce type de pronoms est employé de manière systématique telle une variable dans une dépendance Aʹ. Les pronoms intrusifs (PIs) sont là afin de racheter la violation éventuelle des conditions de localité, comme la Sous-jacence et le ECP (Empty Category Principle). Par conséquent, les PIs n'existent que dans les îlots. Parfois, il n'y a pas de distinction morphologique entre un vrai résomptif et un PI. Cette distinction entre les deux sortes de résomptifs a déclenché un débat sur la typologie de la résomptivité. Certains travaux soulignent qu'il existe une macro-variation entre les langues qui emploient les PRs seulement comme le dernier recours afin de rattraper la violation des contraintes de localité et celles qui les emploient seulement comme stratégie générale pour former une dépendance Aʹ (Borer Reference Borer1984, Koopman Reference Koopman1983, Engdahl Reference Engdahl1985, Zaenen, Engdhal et Maling Reference Zaenen, Engdahl and Maling.1981). Ces chercheurs ont montré que dans les langues comme le vata et le suédois, l'usage des PRs représente seulement une stratégie générale pour établir une dépendance Aʹ. Autrement dit, dans ces langues, un PR, d'une part, et une trace résultant d'un déplacement Aʹ, d'autre part, sont en variation libre dans certaines positions syntaxiques. Cependant, le point de vue sur une macro-variation a été vite abandonné car beaucoup de travaux montrent que la majorité des langues qui légitiment les PRs les emploient en fin de compte dans les deux sens : l'usage général et l'usage intrusif. Les arguments les plus forts consistent à démontrer que dans un nombre important de cas, un PR et une lacune ne sont jamais en variation libre ; ce qui signifie que dans certaines positions, la présence d'un PR est autorisée mais celle d'une lacune dans les mêmes positions ne l'est pas (cf. Rouveret Reference Rouveret1994 pour le gallois et Aoun & Choueiri Reference Aoun and Choueiri.2000 pour l'arabe libanais).
Si un PI peut passer outre des violations des contraintes de localité, il est alors intéressant de savoir si une dépendance résomptive est dérivée par un déplacement Aʹ. Cette question déclenche un grand débat dans le cadre de la syntaxe générative, aussi bien pendant la période de GB (le gouvernement et le liage) que pendant la période du MP (programme minimaliste). Plusieurs points de vue existent. Dans le cadre du GB, une dépendance résomptive peut être dérivée soit par un déplacement en Structure de Surface (S-S) ou en Forme Logique (FL) (Sells Reference Sells1984, Tellier Reference Tellier1991, Demirdache Reference Demirdache1991), soit par une sous-extraction d'une partie du PR (Rouveret Reference Rouveret1994, Guilliot Reference Guilliot2006). Dans le cadre du MP, la dérivation peut se faire par Match suivi par Déplacer (Move) (Boeckx Reference Boeckx2003) ou bien par Accorder (Agree) ne précédant pas Déplacer (Move) (Adger & Ramchand Reference Adger and Ramchand.2005, Rouveret Reference Rouveret2002, Reference Rouveret, Freidin, Otero and Zubizarreta2008, Reference Rouveret and Rouveret2011).
En me concentrant sur les faits observés à partir d'une base de données empiriques du chinois mandarin, je m'efforcerai dans cette étude de déterminer le meilleur mécanisme opérationnel dont nous avons besoin afin de rendre compte des propriétés syntaxiques observées chez les PRs en chinois. En même temps, je poserai la question de savoir ce que le chinois est en mesure de nous apprendre sur le phénomène de la résomption dans un sens plus général. Je ferai une distinction dérivationnelle entre deux principaux types de dépendance Aʹ – les propositions relatives et les structures à dislocation à gauche – à la fois en ce qui concerne la distribution générale des PRs et celle des lacunes. J'emploierai les effets d’îlot et les effets du croisement comme tests diagnostiques (cf. section 2). Je défendrai l'idée, dans la section 3, selon laquelle les relatives et les dislocations à gauche en chinois sont dérivées différemment : les relatives qui contiennent soit une lacune soit un PR et les dislocations à gauche qui contiennent une lacune sont toujours dérivées par l'opération Accorder (Agree) dans le programme minimaliste. Ces opérations sont réalisées strictement au niveau de la syntaxe étroite, c'est-à-dire au niveau du processus dérivationnel qui aboutit au niveau de la forme logique. Accorder s'applique phase par phase successivement, ce qui le fait obéir aux conditions de localité. Cependant, dans une dislocation à gauche qui contient un PR, le constituant disloqué, donc Topique, est toujours généré sur place dans la périphérie gauche sans évoquer aucun déplacement. Le lien entre le topique et le PR peut être établi par l'opération syntaxique dite Match. L'opération Match vise seulement à vérifier une relation de type «non-distinction» en ce qui concerne des traits associés à la sonde, le Top0 et à la cible, le PR. Notons que Match ne doit pas être suivi d'Accorder. Match s'applique à l'ensemble de la structure qui est déjà entièrement construite. Par conséquent, Match n'est pas soumis aux conditions de localité.
2. Les effets d’îlot et les effets de croisement
Ross (Reference Ross1967) propose que certains domaines syntaxiques, nommés « îlots », bloquent les déplacements Aʹ. Les contraintes nommées « conditions de localité » requièrent que les déplacements Aʹ se fassent de manière cyclique et que la contrainte de la Sous-jacence soit respectée. Les dits « effets d’îlots » sont par conséquent des diagnostics pour les déplacements Aʹ. Pour illustrer, considérons deux exemples de PRs en hébreu et en chinois.
Les PRs sont permis dans les relatives en hébreu (cf. Borer Reference Borer1984). L'exemple en (1) de Borer illustre l'usage général/grammatical d'un PR.Footnote 2
(1) raʔiti ʔet ha-yeled še- rina ʔohevet (ʔoto) Borer (Reference Borer1984 : 220)
saw-I acc the-boy that Rina love him
‘I saw the boy that Rina loves.’
En chinois, dans une relative sans îlot, comme en (2), un PR et une lacune peuvent être en variation libre dans certaines positions et sous certaines conditions spécifiques.Footnote 3
(2) [Yiqin shuo [Xiaoshi xiangxin [Xinyue hui jiandao ta1j/__j]]] de
Yiqin dire Xiaoshi croire Xinyue fut voir 3msg C
na-ge renj shi wei yisheng.
ce.là-cl personne être cl médecin
‘L'hommej [que Yinqin a dit [que Xiaoshi a cru [que Xinyue allait rencontrer __j]]] est un médecin.’
2.1 Les effets d’îlot
En chinois, un PR ne peut pas fonctionner comme dernier recours dans l'anti-violation de la condition de localité dans une relative. Autrement dit, les PIs n'existent pas dans une relative. Considérez l'exemple en (3) :
(3) Ilot NP-complexe : proposition relative
* Wo pengdao-le [Xinyue renshi [yongbao-guo ta1j /__]
1sg rencontrer-perf Xinyue connaître embrasser-exp 3msg
de na-wei nütongxue de] Faguo yingxingj.
C ce.là-cl étudiante C Français acteur
‘J'ai rencontré l'acteurj français [que Xiyuan connaît la fille [qui lj'avait embrassé]].’
L'exemple en (3) nous présente le cas où un PR et une lacune sont respectivement enchâssés dans un îlot de nature NP complexe. Dans cette phrase, il y a deux propositions relatives : celle qui se trouve à l'extérieur, « l'acteur français que… », constitue la dépendance Aʹ que nous voulons examiner ; celle qui se trouve à l'intérieure, « la fille qui … », constitue un îlot vis-à-vis de la tête nominale l'acteur relativisée. Le fait que l'acteur soit relativisé, donc soit extrait de l'intérieur de l’îlot viole la condition de localité, ce qui explique l'agrammaticalité de cette phrase. Le fait crucial observé dans une relative est que les effets d’îlot sont toujours constatés, que ce soit une lacune ou un PR qui occupe le site relativisé. Dans une relative, l'insertion d'un PR sur le site relativisé qui est enchâssé dans un îlot ne peut permettre de racheter la violation de la condition de localité. Ce qui veut dire que les PIs n'existent pas dans une relative.
Comme les relatives, les propositions complétives du nom constituent aussi des îlots. L'extraction d'un constituant de l'intérieur de ces îlots vers une position Aʹ va rendre la phrase agrammaticale (voir 4).
(4) Ilot NP complexe : proposition complétive du nom
*[[[Mali qin-le ta1j /__j de] xiaoxi NP] chuan-bian-le
Marie embrasser-perf 3msg de nouvelle diffuser-partout-perf
quan yiyuan de] na-ge yisheng j
entier hôpital de ce.là- cl docteur
(‘le docteurj [que [la nouvelle [que Marie lj'a embrassé]] est diffusée partout dans l'hôpital]]’)
Dans une dislocation sans îlot, un PR est toujours autorisé (cf. 5).
(5) Zhangsan a, wo juede (ta1) hen fengqu.
Zhangsan top 1sg penser 3msg très drôle
‘Quant à Zhangsanj, je lej trouve drôle.’
Contrairement aux cas de relatives, un PR peut racheter la violation de la contrainte de localité dans une dislocation. L'emploi intrusif des PRs existe dans les dislocations mais pas dans les relatives en chinois. Morphologiquement, il n'y a pas de distinction entre un pronom ordinaire, un PR et un PI.
(6) Ilot NP complexe : proposition relative
Na-wei Faguo yingxingj, wo pengdao-le [Xinyue renshi
ce.là- cl Français acteur 1sg rencontrer-perf Xinyue connaître
[yongbao-guo ta1j /*__j)]] de na-wei nüsheng.
embrasser-exp 3msg C ce.là-cl étudiante
‘Cet acteurj français-là, j'ai rencontré la fille [que Xinyue connaît [qui lj'avait embrassé]].’)
(7) Ilot NP complexe : proposition complétive du nom
Na-ge yishengj, [Mali qin-le ta1j / *__j de] xiaoxi
ce.là-cl docteur Marie embrasser-perf 3msg de nouvelle
chuan-bian-le quan yiyuan.
diffuser-partout-perf entier hospital
‘Quant à ce docteurj-là, la nouvelle [que Marie lj'a embrassé] est diffusée partout dans l'hôpital.’Footnote 4
Il est important de noter un contraste crucial qui existe entre une proposition relative et une structure à dislocation à gauche. Dans un contexte avec îlots, un PI peut être inséré seulement dans une dislocation à gauche mais pas dans une relative afin de racheter la violation éventuelle de la contrainte de localité. Dans une relative contenant un îlot, les effets d’îlot sont toujours constatés, tandis que dans une dislocation contenant un îlot, les effets d’îlot sont uniquement observés avec la stratégie à lacune mais pas avec la stratégie résomptive. Ce contraste est important dans le sens qu'il nous permettra d'identifier la différence dérivationnelle entre une relative et une dislocation. Généralement, si les effets d’îlot se produisent, cela suppose qu'un déplacement a été évoqué dans la dérivation ; s'ils ne se produisent pas, cela implique qu'il n'y a pas de déplacement. Tableau 1 donne un aperçu récapitulatif des résultats obtenus dans cette section.
Tableau 1: Effets d’îlot
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Afin de voir si notre raisonnement en terme de déplacement est sur la bonne voie, je vais utiliser un autre test classique pour les déplacements : les effets de croisement.
2.2 Les effets de croisement
Il a été constaté que les effets du croisement faible ne se produisent pas dans les propositions relatives contenant un PR (Borer Reference Borer1984, Sells Reference Sells1984, McCloskey Reference McCloskey and Hendrick1990). Un exemple souvent cité afin de démontrer qu'une résomption ne donne pas lieu aux effets de croisement est celui tiré de l'irlandais en (8) cité de McCloskey (Reference McCloskey and Hendrick1990).
(8) an fear so ar mhairbh a bhean féin é
le homme ce.ci C tuer-passÉ sa propre femme lui
‘l'hommei [que sai propre femme a tué ti]’ Irlandais
Cet exemple contient deux pronoms a ‘sa’ et é ‘lui’. Comme le fait remarquer McCloskey (Reference McCloskey and Hendrick1990), il est difficile de déterminer lequel des deux pronoms est le pronom résomptif. Le fait que les phrases comme (8) contiennent deux pronoms ne permet alors pas de trancher s'il y a réellement un déplacement impliqué dans la dérivation. C'est parce qu'il est toujours possible d’établir une relation entre l'opérateur et l'un des deux pronoms qui se situe plus haut sans aucun croisement. En réalité, il existe deux possibilités d’établir des dépendances entre l'antécédent et les deux pronoms, tel qu'illustré en (9).
(9)
a.
b.
Les schémas en (9a) et en (9b) illustrent deux stratégies qui peuvent établir les dépendances. En (9a), le Pronom 2 est un résomptif qui dépend directement du NP l'antécédent. Le Pronom 1 est un pronom ordinaire qui dépend anaphoriquement du NP. Dans ce cas, c'est le Pronom 1 qui a été croisé. En revanche, en (9b), le résomptif est le Pronom 1 qui dépend du NP. Le Pronom 2 est un pronom ordinaire qui dépend anaphoriquement du Pronom 1. La dépendance résomptive établie entre NP et le Pronom 1 ne croise pas le Pronom 2 qui porte le même indice et il n'y a alors pas d'effets de croisement. S'il y a deux façons d’établir une dépendance anaphorique et que l'une déclenche les effets de croisement et que l'autre ne le fait pas, les effets de croisement peuvent être évités. McCloskey (Reference McCloskey and Hendrick1990) montre qu'en irlandais, les effets du croisement fort sont constatés si l’élément qui est croisé est une épithète (non pas un pronom) (voir 10).Footnote 5
(10) * Sin an fearj ar dhuirt an bastardj go marodh séj muid.
that the man C said the bastard C would-kill he us
‘That is the manj that the bastardj said hej would kill us.’ Irlandais
2.2.1 Les effets du croisement faible
Revenons sur le chinois. L'exemple en (11) montre qu'une relative à lacune (trace) donne lieu aux effets du croisement faible.
(11) * Taj-ziji de laopo sha-si-le __ de na-ge lüshij
3msg-même de femme tuer-mourir-perf C ce.là-cl avocet
‘l'avocatj que saj propre femme a tué tj’
Les effets du croisement faible ne sont pas induits dans les relatives quand c'est un pronom qui est croisé (voir 12). Rappelons que lorsque la phrase contient deux pronoms dans l'exemple en (8) en irlandais, on ne sait toujours pas lequel est le pronom résomptif. Par conséquent, il existe deux manières d’établir une dépendance résomptive en (12) ; l'une donne lieu aux effets de croisement et l'autre pas. Par conséquent, les exemples comme (12) ne permettent pas de trancher si la dérivation comprend des déplacements.Footnote 6
(12) [Ta1j-ziji de laopo ba ta1j gei sha-si-le] de na-ge renj
3msg-même de femme ba 3msg gei tuer-mourir-perf C ce.là-cl personne
‘l'hommej que saj propre femme lj'a tué’ = ‘l'hommej qui est tué par saj propre femme’
Cependant, lorsqu'une épithète intervient entre le PR et la tête nominale et que ces trois éléments portent le même indice, la phrase est agrammaticale à cause des effets du croisement faible. Ceci confirme alors qu'une relative résomptive donne lieu aux effets du croisement faible uniquement si l’élément croisé est une épithète, comme c'est le cas pour l'irlandais.
(13) * [na-ge hundanj-ziji de laopo ba ta1j gei sha-si-le]
ce-là-cl salaud-même de femme ba 3msg gei tuer-mourir-perf
de na-ge renj
C ce.là-cl personne
‘l'hommej que la propre femme de ce salaudj lj'a tué’
Les dislocations à lacune donnent toujours lieu aux effets du croisement faible.
(14) * Na-ge xiaohaij, ta1j mama bu xihuan tj .
ce-là-cl enfant 3msg(gen) mère nég aimer
‘Cet enfantj-là, saj mère n'aime pas tj. ’
Cependant, si l’élément croisé est un pronom, les dislocations résomptives n'induisent aucun effet de croisement (voir (15)).
(15) Na-ge xiao nanhaij, ta1j de mama bu zhun ta1j chi
ce-là-cl petit garçon 3msg de maman nég permettre 3msg manger
fan.
nourriture
‘Ce petit garçonj-là, saj mère ne lj'autorise pas à manger.’
Ce qui est différent dans une dislocation par rapport à une relative, c'est que les effets du croisement faible ne se produisent jamais dans une dislocation, même si l’élément croisé est une épithète (voir (16)).
(16) Na-ge renj a, nei hundanj-ziji de laopo ba ta1j
ce.là-cl personne top ce.là-cl salaud-même de femme ba 3msg
gei sha-si-le.
gei tuer-mourir-perf
(Litt.) ‘Cet hommej-là, la propre femme de ce salaudj lj'a tué.’
Cette partie montre que le deuxième contraste entre une relative et une dislocation est que les effets du croisement faible sont constatés dans une relative résomptive mais pas dans une dislocation résomptive.
2.2.2 Les effets du croisement fort
Les relatives à lacune donnent lieu aux effets du croisement fort.
(17) * [Na hundanj yangyan [women yiding yao juedui
ce.là salaud déclarer 1pl certainement être.obligé absolument
fucong__j] de] na-ge renj
obéir C ce.là-cl personne
(Litt.) ‘l'hommei à qui ce salaudi dit que nous devons obéir__i absolument’
Comme les effets du croisement faible, les effets du croisement fort se produisent dans une relative quand c'est une épithète qui intervient entre la tête nominale et le PR.
(18) * Zhe jiu shi [na-ge hundanj shuo [ta1j yao ba women
ce.ci juste être ce.là-cl salaud dire 3msg fut ba 1pl
quan dou sha-le] de] na-ge renj.
entièrement tout tuer-perf C ce.là-cl personne
‘C'est bien le typej qui le salaudj a dit qu'ilj allait nous tous tuer.’
Une dislocation à lacune donne également lieu aux effets du croisement fort.
(19) * Zhangsani a, na-ge hundani yangyan [women yiding
Zhangsan top ce.là-cl salaud déclarer 1pl certainement
yao juedui fucong ti].
être.obligé absolument obéir
‘Quant à Zhangsani, ce salaudi dit que nous devons absolument obéir (à) __i.’
En présence d'un PR, les effets du croisement fort ne se produisent pas dans une dislocation, que l’élément croisé soit un pronom ou une épithète (voir (20)).
(20) Wo erzij a, [nei xiaozij shuo [ta1j zai ye bu
1sg-(gen) fils top ce.là-cl gamin dire 3msg encore aussi nég
gan jiu-hou jiashi le]].
oser alcool-après conduire sfp
(Litt.) ‘Mon filsj, le gaminj a dit qu'ilj n'oserait plus conduire après avoir consommé de l'alcool.’
Le récapitulatif des résultats de tests est présenté dans Tableau 2.
Tableau 2: Effets de croisements
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20230622072536396-0916:S0008413116000219:S0008413116000219_tab2.gif?pub-status=live)
Les effets de croisement sont toujours constatés dans une relative, que ce soit avec la stratégie à lacune ou la stratégie résomptive. En revanche, dans une dislocation, les effets de croisement sont seulement produits quand la stratégie à lacune est adoptée.
2.3 Récapitulatif et propositions principales
Pour résumé, j'ai examiné les relatives et les dislocations à l'aide des tests classiques pour les déplacements Aʹ : les conditions d’îlot et les effets de croisement. Voici les résultats:
Tableau 3: Distribution des lacunes, des résomptifs et des intrusifs
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20230622072536396-0916:S0008413116000219:S0008413116000219_tab3.gif?pub-status=live)
Les résultats montrent que les relatives à lacune, les relatives résomptives et les dislocations à lacune se comportent de la même façon car elles donnent systématiquement lieu aux effets d’îlot et aux effets de croisement. Cependant, les dislocations résomptives se comportent différemment car elles ne déclenchent aucun de ces effets. Nous pouvons diviser les différentes colonnes dans Tableau 3 en deux catégories : (I) (colonnes a à d) et (II) (colonnes e et f). Nous constatons que la vraie distinction n'existe pas simplement entre les relatives et les dislocations, mais entre les structures en catégorie (I) d'une part et celles en (II) d'autre part.
La catégorie (II) montre qu'une dislocation résomptive n'induit aucun effet d’îlot, ce qui rend l'usage intrusif possible. Je défendrai l'idée que ce n'est pas l'insertion d'un intrusif qui rachète la violation des contraintes de localité. Au contraire, c'est la dislocation résomptive elle-même qui n'est, dans un premier lieu, pas sujette aux contraintes de localité. Le PI entre dans la dérivation dès le début de la numération, ce qui motive l'opération minimaliste Match à fonctionner seule afin d’établir la dépendance Aʹ. Nous verrons plus loin que la raison pour laquelle la catégorie (II) n'induit aucun effet de localité est que l'opération Match n'est pas sujette aux conditions de localité.
Concernant les structures dans la catégorie (I), la stratégie à lacune donne systématiquement les effets de localité dans une relative et dans une dislocation. Les relatives donnent systématiquement lieu aux effets de localité, ce qui est indépendant du fait qu'elles contiennent une lacune ou un PR. Je proposerai que les structures dans cette catégorie sont dérivées par l'opération Accorder (Agree). En tant qu'opération minimaliste qui vérifie les traits formels entre une sonde (Probe) et une cible (Goal), Accorder se fait de manière cyclique, c'est-à-dire phase par phase. Par conséquent, Accorder est sujet aux contraintes de localité. De ce point de vue, c'est la dérivation basée sur Accorder qui détermine que les PIs dans les structures en catégorie (I) ne peuvent racheter la violation des contraintes de localité.
Les généralisations et les propositions générales sont les suivantes :
(i) Aucun contraste n'existe entre une relative et une dislocation à gauche en ce qui concerne la stratégie à lacune. Les relatives à lacune et les dislocations à lacune donnent lieu aux effets d’îlot et aux effets du croisement (fort et faible) (cf. a, d) car une dépendance Aʹ à lacune est toujours dérivée par Accorder qui est une opération soumise aux conditions de localité.
(ii) Aucun contraste n'existe entre une relative à lacune et une relative résomptive. Les deux stratégies donnent lieu aux effets d’îlot et aux effets de croisement (cf. a, b et d) car une relative (à lacune ou résomptive) est toujours dérivée par Accorder.
(iii) Différents types de dislocations ne sont pas dérivés par la même opération. La dislocation à lacune est dérivée par Accorder et donne lieu aux effets de localité ; la dislocation résomptive est dérivée par Match et ne donne aucun effet de localité (cf. e, f).
(iv) Un contraste important existe entre une relative et une dislocation en ce qui concerne les PRs. Une relative résomptive induit toujours les effets d’îlot et les effets de croisement (cf. b, c) ; cependant, une dislocation résomptive ne produit jamais ces effets (cf. e, f). La raison est que les PIs sont permis dans les structures dérivées par Match (cf. f) mais pas dans celles dérivées par Accorder (cf. c).
3. Les analyses dans le cadre du programme minimaliste
3.1 Quelques opérations minimalistes
Dans cette section, je vais essayer d'analyser les résultats obtenus dans le cadre du programme minimaliste (Chomsky Reference Chomsky1995, Reference Chomsky, Martin, Michaels and Uriagereka2000, Reference Chomsky and Kenstowicz2001, Reference Chomsky and Belletti2004, Reference Chomsky, Freidin, Otero and Zubizarreta2008). Rappelons quelques opérations de bases du MP. Combiner (Merge) est une opération fondamentale qui prend simplement deux objets α et β pour former un nouvel objet noté ensemble {α, β}.
Accorder (Agree) vise à établir une relation d'accord entre la tête d'une projection fonctionnelle considérée comme une sonde (probe)) et un autre élément qui fonctionne comme une cible (goal). Une sonde portant un ensemble de traits non-interprétables Fʹ cherche une cible comportant les traits interprétables qui coïncident (match) avec F afin de valuer Fʹ. Le processus qui correspond à « chercher une cible » est nommé « feature matching ». Matching est alors défini comme une sorte de relation d'identité qui se vérifie entre les traits portés sur une sonde et ceux qui sont portés sur une cible. Un trait peut être considéré comme une paire d'Attribut (personne, nombre, genre, etc.)-Valeur. Quand un élément lexical entre dans un processus dérivationnel, le trait porté sur cet élément peut posséder une valeur ou non. Il est très important de noter que la coïncidence des traits (match) n'exige pas l'identité absolue des traits mais une sorte de « non-distinction ».Footnote 7 Il suffira d'avoir le même Attribut de trait, c'est-à-dire personne, nombre, genre, etc. dont la valeur peut être différente pour que Match fonctionne. Une fois que la sonde trouve la cible, c'est-à-dire que les traits associés à ces deux éléments coïncident et que les traits portés sur la sonde et ceux qui sont portés sur la cible ont le même Attribut, le processus de valuation de ces traits commence.
Dans le MP, la vérification des traits se fait sous forme de valuation des traits non-interprétables. Puisqu'un trait qui n'est pas valué (donc ne possède pas de valeur) ne peut être interprétable aux interfaces, le trait concerné doit absolument obtenir une valeur via une sorte de dépendance syntaxique dans le processus de dérivation. Accorder est la seule opération qui permet de fournir une valeur aux traits non-interprétables. Pour qu'une sonde et une cible puissent s'accorder, il faut qu'elles soient actives, c'est-à-dire qu'elles portent des traits non-interprétables. L'ensemble des traits Fʹ porté sur une sonde est non-interprétable et sous-spécifié ; il attend d’être valué. Une cible qui porte un ensemble de traits F valués (avec une valeur) doit pouvoir fournir la valeur à l'ensemble de traits Fʹ sur la sonde. L'opération Accorder copie la valeur des traits associés à la cible sur les traits de la sonde. Valuation consiste précisément en la vérification et l'effacement de l'ensemble de ces traits non-interprétables entre la sonde et la cible. Accorder peut être aussi considéré comme une opération qui efface les traits non-interprétables.
(21)
Match s'applique avant Accorder, mais une dépendance Aʹ peut être établie soit par Accorder soit par Match uniquement (sans Accorder). Accorder est soumis aux conditions de localité contrairement à Match. Dans tout le processus d'Accorder, les conditions de localité doivent être respectées et la cible doit être celle qui se trouve le plus proche de la sonde. Accorder à distance doit être appliqué de manière cyclique, phase par phase.
Dans le MP, Déplacer (Move) est défini d'une manière très différente de la notion «déplacement/mouvement» (movement) utilisée dans le cadre du GB. Dans la version plus ancienne du MP, Chomsky (Reference Chomsky1995) définit Déplacer par Copier (copy) plus Combiner (merge). De ce point de vue, Déplacer est une sorte de « re-combiner » (re-merge). Prenons le déplacement wh- comme exemple. D'abord, on copie la forme phonologique du constituant wh- avec l'ensemble de ses traits. Ensuite, on combine cette copie wh- et la tête C0 pour former CP. Enfin, on efface la copie en bas qui se situe dans la position argumentale. Dans la version plus récente, Déplacer est défini comme : Accorder (Agree) + Déterminer ce qui se déplace avec le trait (pied-piping d'un élément lexical) + Combiner (Merge).Footnote 8 Certains types de traits non-interprétables, comme par exemple EPP, peuvent déterminer si la sonde est capable d'offrir une position pour le déplacement et la catégorie qui peut se déplacer dans cette position au cas où la position est disponible. Le déplacement est là pour satisfaire l'exigence du trait EPP. Le déplacement de la catégorie est réalisé sous forme de pied-piping avec les traits non-interprétables. En ce sens, la plupart des cas de dérivation par déplacement (movement) dans le cadre du GB peuvent être résolus par Accorder (Agree) seul sans avoir le besoin de l'aide de Déplacer (move) dans le MP.
3.2 Les traits formels dans les deux types de dépendances
Le programme minimaliste nous offre une possibilité d’établir une dépendance de type Aʹ sans évoquer le déplacement. Une dépendance Aʹ peut être établie par Accorder qui s'effectue exclusivement et nécessairement au niveau de la syntaxe étroite. Certains travaux (Rouveret Reference Rouveret2002, Reference Rouveret, Freidin, Otero and Zubizarreta2008, Reference Rouveret and Rouveret2011 ; Adger & Ramchand Reference Adger and Ramchand.2005) suggèrent qu'une dépendance résomptive implique alors l'opération Accorder. Le complémenteur C0 plus haut dont la position du spécifieur contient l'antécédent nominal fonctionne comme la sonde et le PR en bas fonctionne donc comme la cible. Le C0 qui contient des traits non-interprétables sans valeur en obtiendra une via Accorder. Cette dérivation, à l'aide de l'opération Accorder, s'applique phase par phase.Footnote 9 Les analyses de cette sorte sont alors nommées « l'Accord au niveau phasal » (Phasal Agree). Ces analyses se rejoignent sur l'idée principale selon laquelle c'est l'opération Accorder qui établit une construction résomptive. Les discussions diversifiées sont centrées autour de la question : quels sont les traits sur les complémenteurs et sur les PRs respectivement ? Les différents auteurs ont, à ce propos, différents points de vue. Adger & Ramchand (Reference Adger and Ramchand.2003, Reference Adger and Ramchand.2005) affirment que deux sortes de traits sont nécessaires pour l'interprétation des relatives en FL : [λ] et [Id]. [λ] crée un prédicat à partir d'une proposition pour qu'un CP contenant le trait [λ] puisse être interprété comme un prédicat afin de créer une position de variable (abstract over a variable). Les interfaces interprètent [Id] comme une position vide créée par l'abstraction-λ, donc une position de variable qui contient généralement un pronom. Il est important de noter que pour eux, tous les pronoms sont non seulement dépendants d'une façon référentielle mais qu'ils portent aussi le trait [Id]. Dans Rouveret (Reference Rouveret2002, Reference Rouveret, Freidin, Otero and Zubizarreta2008), le C0 peut porter trois traits. [Rel] indique que la proposition est un site (locus) d'une relation Aʹ et ce trait est interprétable quand il est associé à C0. Le C0 porte aussi le trait [ϕ] qui sera valué une fois qu'il entre dans une relation d'accord avec le PR. Le C0 porte aussi le trait EPP qui exige que la position du spécifieur du C soit remplie.
Je récapitule les généralisations sur la distribution des PRs en chinois.
(i) les relatives contenant soit une lacune soit un PR et les dislocations contenant une lacune donnent toujours lieu aux effets d’îlot et aux effets de croisement.
(ii) les dislocations à gauche contenant un PR n'induisent aucun effet d’îlot ni les effets de croisement.
En ce qui concerne les effets d’îlot, l'hypothèse du travail que je peux avancer est que l'opération Accorder s'applique dans les cas spécifiés en (i) mais pas dans les cas en (ii). Rappelons que l'opération Accorder s'applique phase par phase et cycle par cycle strictement au niveau de la syntaxe étroite et qu'elle obéit aux conditions de localité. D'abord, je suppose qu'un PR dans une relative porte le trait [var] pour justifier son statut en tant que variable liée. Quand un pronom paraît dans une position de variable liée à la façon Aʹ, ce pronom fonctionne alors comme un PR. La relation du liage entre le C-Rel et le PR est définie exactement comme une relation entre un opérateur et une variable, qui sera interprétée proprement en Forme Logique. Puisqu'un PR doit être interprété obligatoirement comme variable, le trait [var] que porte ce premier doit être interprétable avant que les processus d'Accorder et de la valuation de trait n'interviennent. En revanche, le complémenteur C d'une relative peut aussi porter le trait [var] mais c'est dans ce cas un trait non-interprétable. Son rôle est d'identifier la proposition relative qu'il introduit comme un domaine dans lequel une dépendance Aʹ peut être légitimée. Il est important de noter que ce trait [var] fonctionne différemment par rapport au trait [λ] dans le système d'Adger & Ramchand (Reference Adger and Ramchand.2005). Le trait [λ] sur le C vise à créer une position ouverte et à rendre la proposition relative prédicative. Par conséquent, le C [λ] fonctionne comme un opérateur ou un abstracteur. Leur analyse ne rend pas vraiment compte de la relation entre une sonde et une cible. Le PR n'a pas nécessairement besoin de porter le même trait. Or, le statut de variable d'un PR doit être déterminé quand il se situe dans une position de variable. En ce sens, le trait [var] qu'il porte est déjà doté d'une valeur. Ceci dit que le C-Rel n'a pas besoin de fonctionner comme un abstracteur car une position de variable est déjà crée et garantie par le trait [var] sur le pronom. Par conséquent, le C-Rel en chinois peut porter le trait u[var] non-interprétable. La configuration entre une sonde et une cible peut être établie. Le trait u[var] non-interprétable sans valeur qui fonctionne comme la sonde c-commande le trait i[var] interprétable valué qui fonctionne comme la cible. Ce premier sera valué via une relation dépendante établie par Accorder.
Ensuite, un PR en chinois porte toujours les traits ϕ et il s'accorde systématiquement avec son antécédent. Nous pouvons affirmer que les PRs portent [ϕ].Footnote 10 La question que nous nous posons est de savoir si [ϕ] est un trait interprétable ou non. En réalité, que la réponse à cette question soit «oui» ou soit «non» n'a pas vraiment de conséquence importante pour notre analyse. Si nous supposons que [ϕ] sur un PR en chinois est un trait interprétable, nous n'avons aucune difficulté technique dans les détails de la dérivation via Accorder. La seule chose dont nous avons besoin est que le complémenteur relatif C, occupé par la particule de, porte aussi le trait [ϕ] mais il est non-interprétable. Ce trait [ϕ] fonctionnant comme la sonde c-commande le trait [ϕ] valué sur le PR qui fonctionne comme la cible. C'est sous Accorder, après la valuation des traits, que le trait non-interprétable [ϕ] peut être effacé et la dérivation réussit.
Si nous supposons que le trait [ϕ] porté sur un pronom est non interprétable, la tête C-Rel et le PR portent tous les deux le trait [ϕ] non-interprétable et non valué. Le pronom porte déjà un trait interprétable i[var] qui va satisfaire le trait non-interprétable u[var] sur le C-Rel. Accorder s'applique déjà à cette dépendance, ce qui reste indépendant du fait que l'autre paire de traits, u[ϕ], portée sur la cible et sur la sonde soit non-interprétable. Autrement dit, imaginons qu'une sonde et une cible portent plusieurs traits, [α], [β], [χ] et [δ]. Il n'y a que le trait [α] qui est non-interprétable sur la sonde et interprétable sur la cible. [β], [χ] et [δ] sont tous non-interprétables sur la cible et sur la sonde. Accorder peut toujours fonctionner grâce à [α]. Cela suggère que [α] suffira à déclencher Accorder malgré le fait que les autres traits en sont incapables.
Les deux situations où le PR porte soit un trait [ϕ] interprétable soit un [ϕ] non-interprétable peuvent faire réussir la dérivation. Cependant, j'ai quand même une préférence pour la deuxième supposition où le PR porte [ϕ] non-interprétable. Je pense que c'est seulement quand un pronom n'est pas lié de manière Aʹ, c'est-à-dire lorsqu'il fonctionne comme un pronom référentiel ordinaire, que le trait [ϕ] sur ce pronom est interprétable. Au contraire, si un pronom se situe dans une position de variable et qu'il fonctionne réellement comme une variable liée, le trait [ϕ] sur ce pronom n'entraîne aucune interprétation sémantique en Forme Logique. Ces considérations théoriques me motivent pour dire que le trait [ϕ] sur un PR dans une relative, donc dans une position de variable, ne sera pas interprétable.
Récapitulons. Le schéma suivant montre les traits associés à une relative résomptive en chinois.
(22) C-Rel (de) … … Pronom
u[var] i[var]
u[ϕ] u[ϕ]
Puisqu'une lacune est toujours analysée comme une variable liée, je pense que les mêmes traits sont également associés dans une relative à lacune (cf. 23) et dans une dislocation à lacune (voir (24)).
(23) C-Rel (de) … … __
u[var] i[var]
u[ϕ] u[ϕ]
(24) C-Top … … __
u[var] i[var]
u[ϕ] u[ϕ]
Si nous avançons l'idée que c'est Match seul non suivi d'Accorder qui fonctionne dans les dislocations résomptives, la question qui se pose alors est : Qu'est-ce qui bloque Accorder ? En général, Accorder suit Match et si Accorder ne s'applique pas, cela peut nous amener à penser que les traits sont tous non-interprétables à la fois sur la sonde et sur la cible et ne contribuent à aucune interprétation comme celle d'opérateur-variable en sémantique. Je défendrai alors l'idée que le lien entre le C-Top et le PR dans une dislocation n'est pas une relation entre un opérateur et une variable dans le sens strict, et que ce lien est bien différent de celui qui existe entre le C-Rel et le PR dans une relative. Une observation empirique sur le chinois est que le complémenteur C est marqué morphologiquement de manière différente dans une dislocation par rapport à celui dans une relative. En chinois, dans une topicalisation, c'est le marqueur du topique (les particules comme ne, ba, a) qui occupe la position du Top0 (Paul Reference Paul2014, Reference Paul2015, Pan Reference Pan2011). La tête du TopP est alors considérée comme l’équivalent du C dans un CP. Dans une relative, nous pouvons suivre l'idée traditionnelle que c'est le complémenteur de qui occupe la position du C. Ces deux complémenteurs, C0-Rel et Top0, sont morphologiquement distincts.
Dans une relative, le C [λ]/[Rel] lie le PR qui porte le trait [var] comme une variable. Dans une dislocation, soit le Top0 et le PR portent tous les deux le trait [λ] non-interprétables donc non-valués, soit ces deux éléments portent le trait [var] non-interprétables non-valués. Puisque les deux traits associés à la sonde et à la cible sont non-valués, elles ne sont alors pas prêtes pour l'opération Accorder. Par conséquent, après Match, la dérivation s'arrête et Accorder ne s'applique pas.
Voici une autre observation empirique.
(25)
a. [Zhangsan zhe-ge xuesheng] feichang yonggong.
Zhangsan ce.ci-cl élève très studieux
‘Zhangsan(,) cet étudiant, est très studieux.’
b. Wo feichang xihuan [kongcheng zhe-ge hangye].
1sg très aimer steward ce.ci-cl métier
‘J'aime bien le(s) métier(s) (comme) les personnels navigants.’
En (25a, b), Zhangsan cet étudiant, de même que les personnels navigants le métier (traduction littérale), forme un seul constituant qui est en fait une apposition. Dans le cas de dislocation, Zhangsan peut subir une topicalisation seule en laissant son appositif cet étudiant in-situ. Ces deux expressions sont toujours coréférentielles et elles peuvent porter un même indice.
(26) Zhangsanj a, wo feichang xinshang zhe-ge xueshengj.
Zhangsan top 1sg très apprécier ce.ci-cl élève
‘Quant à Zhangsanj, j'apprécie beaucoup cet étudiantj.’
Cependant, dans une relative, il est impossible de relativiser l'un des deux NPs appositifs en laissant l'autre dans le site relativisé en tant que résomptif.
(27) * [Kongchengj hen weixian] de zhe-ge hangyej
steward très dangereux C ce.ci-cl métier
‘ce métierj qui (*(travailler comme) le(s) personnel(s) navigant(s)j) est dangereux’
Logiquement, il est difficile de maintenir l'idée que la relation entre ce métier et (travailler comme) le(s) personnel(s) navigant(s) est de type opérateur-variable, car l'interprétation sémantique de la séquence (travailler comme) le(s) personnel(s) navigant(s) ne dépend pas du tout de l'expression ce métier. Puisque dans une relative, le lien entre le C-Rel et le PR est une relation entre un opérateur et une variable, la paire ce métier et (travailler comme) le(s) personnel(s) navigant(s) ne peut alors exister dans tel type de contexte. En revanche, cette paire peut être tolérée dans une dislocation, ce qui semble suggérer que cette première ne consiste pas en une relation d'opérateur-variable mais plutôt en une relation de coréférence entre deux NPs. Ce contraste empirique suggère que le lien entre le C-Top et un PR n'est pas une relation entre un opérateur et une variable et que le C-Top est bien différent du C-Rel.
L'appositif in situ n'est pas forcement une variable vis-à-vis du Top0. Il n'est alors pas nécessaire que le PR dans une dislocation soit interprété comme une variable. Il peut porter le trait de variable [var] mais non-interprétable. Le Top0 peut aussi porter le trait [var] mais ce trait est non-interprétable aussi. La dépendance entre la sonde et la cible ne peut alors être établie par Accorder. Une autre possibilité basée sur l'analyse d'Adger & Ramchand (Reference Adger and Ramchand.2005) me conduit à la même conclusion. Si le Top0 ne lie pas le PR comme une variable, ce Top0 ne rend pas son complément, TP, prédicatif. Top0 peut possiblement porter le trait prédicatif [λ] mais il doit être non-interprétable. Le Top0 en tant que sonde ne trouve pas de cible qui porte le même trait mais interprétable. L’éventuel candidat pour être la cible recherchée est le PR mais celui-ci porte aussi le trait [λ] non-interprétable. Par conséquent, le lien de type sonde-cible ne peut être établi entre le Top0 et le PR. Dans ces deux scénarios, il manque toujours une cible qui porte le même type de trait mais interprétable pour valuer les traits non-interprétables sur la sonde. C'est pourquoi après Match, Accorder ne peut s'appliquer. La différence dérivationnelle entre une dislocation résomptive et une relative résomptive est illustrée ci-dessous.
(28)
(29)
3.3 La localité
Dans le MP, deux types de conditions de localité sont évoqués : la condition sur le lien le plus court (shortest link condition) et la condition sur les phases. La condition sur le lien le plus court couvre les phénomènes suivants qui ont déjà été beaucoup discutés dans le cadre du gouvernement et du liage : les effets d’îlot et les effets d'intervention. La condition sur les phases dit que la dérivation doit se faire phase par phase.
(30) [Phase 3 …… [Phase 2 …… [Phase 1 … …]]]
Dans la théorie des phases, vP et CP sont des phases fortes, v° et C° sont des têtes phasales. Le domaine d'une phase est le complément de la tête phasale. La marge (edge) d'une phase est le spéficieur et les adjoints d'une tête phasale. Une fois la tête de la phase suivante (Phase 2) construite, le domaine de la phase la plus basse (Phase 1) sera envoyé aux interfaces via l'opération Transfert pour avoir une interprétation. Une fois envoyé, le domaine phasal deviendra inaccessible. Seul la marge et la tête de la Phase 1 sont accessibles pour des opérations éventuelles. Cette condition s'appelle la Condition sur l'Impénétrabilité de Phase (PIC).
(31) Condition sur l'Impénétrabilité de Phase
Dans une phase α dont la tête est H, le domaine de H est inaccessible pour des opérations en dehors de α ; seules la tête H et sa marge sont accessibles pour ces opérations.
Une fois que la phase dans un cycle plus bas est envoyée aux interfaces, elle deviendra inaccessible. La dérivation continuera et construira une phase plus haute. Dans le schéma ci-dessus, une fois que la Phase 1 est envoyée aux interfaces, on ne pourra plus y revenir et on continuera à construire la phase 2. De même, une fois que la Phase 2 est envoyée aux interfaces, on ne pourra plus la toucher et on continue à construire la Phase 3. L'exemple en (30) illustre le cas où les Transferts multiples et les Spell-Out multiples s'appliquent.
Pour rendre compte des effets de localité, la condition sur le lien le plus court et la condition sur les phases peuvent éventuellement atteindre le même objectif. Si la condition sur les phases est un principe essentiel qui contraint la construction d'une phase et qu'elle est déjà suffisamment forte pour exclure et filtrer toutes dérivations qui violeraient les conditions de localité, la condition sur le lien le plus court devient alors redondante. En conclusion, la condition sur les phases est la seule condition nécessaire vis-à-vis de la localité. Les effets d'intervention et les effets d’îlot peuvent être filtrés par la condition sur les phases. Observons maintenant comment cette condition s'applique dans la dérivation par Accorder et celle par Match.
i) Dérivation par Accorder
Commençons par la dérivation basée sur Accorder (cf. 32). Dans la phase la plus basse, Match s'applique en premier. La cible et la sonde de la Phase 1 portent le même type de trait. Seul l'attribut du trait (nombre, personne et genre) mais pas sa valeur est pris en compte par Match. Si l'attribut des traits est identique entre les cibles et les sondes éventuelles, Match s'applique à cette paire de trait afin d’établir une relation de type non-distinction. La cible porte le trait interprétable et la sonde porte le même trait mais non-interprétable. Autrement dit, le trait porté sur la sonde et celui porté sur la cible n'ont pas la même valeur, ce qui constitue alors une condition nécessaire pour Accorder. Par conséquent, Accorder peut s'appliquer dans ce cas. La valeur interprétable de la cible sera copiée sur la sonde et une fois que le processus de cette vérification de traits est fini, la dérivation de la Phase 1 par Accorder sera terminée. Ensuite, quand la tête de la phase suivante, c'est-à-dire la Phase 2, est construite, la Phase 1 sera envoyée aux interfaces. Après cet envoi, la Phase 1 deviendra inaccessible.Footnote 11 Dans cette dérivation, les Transferts multiples et les Spell-Out multiples s'appliquent.
(32) Dérivation par Accorder
Imaginons que la Phase 1 contient un îlot, Accorder ne pourra pas fonctionner entre la Phase 1 et la phase suivante. C'est de cette manière que la condition sur les phases filtre les îlots forts. Etape 2 inclut alors la construction de la Phase 2 avec Accorder. Une fois que la Phase 2 est envoyée aux interfaces, la construction de la phase 3 commencera. L'exemple en (3), répété ci-dessous en (33), montre les effets d’îlot dans le cas de relatives.
(33) Ilot NP-complexe : proposition relative
* Wo pengdao-le [Xinyue renshi [yongbao-guo ta1j /__]
1sg encontrer-perf Xinyue connaître embrasser-exp 3msg
de na-wei nütongxue de] Faguo yingxing j.
C ce.là-cl étudiante C Français acteur
‘J'ai rencontré l'acteurj français [que Xiyuan connaît la fille [qui lj'avait embrassé]].’
Etape 1 illustre la construction de la phase la plus basse, c'est-à-dire la relative interne, la fille qui …, qui constitue l’îlot. La tête C et le PR le (ou la lacune) forment une paire sonde-cible qui porte le trait de variable ainsi que l'ensemble de traits phi. Puisque la dépendance Aʹ est une relative, la tête C-Rel et le PR sur le site relativisé constituent une paire opérateur-variable. Dans les relatives, le PR sera interprété comme une variable liée en FL et il porte alors un trait [var] interprétable. Ce trait va valuer et vérifier le trait [var] non-interprétable associé à la tête C-Rel. Par conséquent, une dépendance sera établie entre les deux et les traits seront effacés via Accorder.
Il y a deux chaînes relatives différentes dans cet exemple: la fille…qui et l'acteur…que…le. Clairement, le pronom résomptif le dans l'avait embrassé est lié à que donc à l'acteur et le n'est pas lié à qui ni à la fille. Cependant, on s'intéresse ici seulement à la question qui consiste à savoir comment établir une dépendance entre la cible, le pronom résomptif le, et la sonde, le C le plus haut. L'importance est que l'on s'intéresse seulement à C non pas à [Spec, CP]. Rappelons que qui n'est pas un pronom relatif et que qui occupe la position [Spec, CP] mais pas C°. Quand on regarde l’établissement de la dépendance par Accorder ou par Match, chaque C peut être une sonde potentiel. De plus, les C-Rel (intermédiaires ou celui le plus haut) portent toujours les mêmes traits. Par conséquent, la première dépendance partielle peut être établie entre qui et le pronom résomptif le.
Après la construction de la Phase 1, Etape 2 commence à construire la phase plus haute qui contient la proposition relative externe, l'acteur français que… Une fois que la tête phasale de la Phase 2, c'est-à-dire le C-Rel, est généré, Phase 1, c'est-à-dire [qui lj'avait embrassé], sera envoyée aux interfaces via l'opération Transfert pour être interprétée correctement et elle deviendra inaccessible. La tête de la Phase 2, donc le C-Rel, est une sonde potentielle qui porte le trait [var] non-interprétable et un ensemble de traits phi non-interprétable. Cependant, il n'y a pas de candidat pour être cible et par conséquent, la dérivation échoue.
Cette dérivation s'applique également au cas de dislocation à gauche à lacune car la lacune est interprétée comme une variable liée.
ii) Dérivation par Match
Pour que Match ne soit pas soumis aux conditions de localité, nous devons trouver un moyen technique qui peut garantir qu'il s'applique à l'ensemble de la construction Aʹ après le processus de la dérivation entièrement fini. Après la construction d'une phase, elle n'est pas envoyée immédiatement aux interfaces et la dérivation continue à construire la phase suivante (plus haute). Une fois que toutes les phases sont bien construites, c'est-à-dire que la structure est entièrement construite, Match s'applique à l'ensemble de la structure. Ce n'est qu’à ce moment-là que les phases seront envoyées toutes ensemble aux interfaces, ce qui garantit que les effets d’îlots ne seront pas induits. A ce stade, je suis obligé de dire qu'Accorder s'applique précisément au niveau de la syntaxe étroite mais Match s'applique au delà. Avant la fin de la dérivation, seules les phases construites basées sur une relation de l'accord peuvent être envoyées aux interfaces.
L'exemple en (34) illustre une dérivation par Match. D'abord, dans la phase la plus basse, c'est-à-dire Phase 1, les cibles et sondes potentielles portent le même type de trait. Si l'attribut du trait est identique entre la cible et la sonde, une relation de non-distinction existe entre les deux. Match s'applique ensuite à cette paire de traits. La cible et la sonde portent toutes les deux les traits non-interprétables, ce qui empêche alors qu'Accorder s'applique. Par conséquent, la vérification de traits ne peut s'appliquer et l'accord ne peut être établi dans la Phase 1. La Phase 1 contenant une dépendance Aʹ établie par Match ne sera pas envoyée aux interfaces. Ensuite, la construction de la Phase 2 commence, etc. Une fois que toutes les phases sont construites et que la dérivation de l'ensemble de la construction est finie, Match s'appliquera à l'ensemble de la phrase et la dérivation finale sera envoyée aux interfaces (cf. Etape 4). De ce fait, toutes les phases sont envoyées via Transfert en même temps. Dans ce cas, les Transferts multiples et les Spell-Out multiples ne s'appliquent pas.
(34) Dérivation par Match
→(toutes les phases sont envoyées aux interfaces en même temps)
L'exemple en (6) répété ici en (35) qui montre qu'une dislocation résomptive n'induit aucun effet d’îlot est répété ci-dessous.
(35) Ilot NP complexe : proposition relative
Na-wei Faguo yingxingj, wo pengdao-le [Xinyue renshi
ce.là-cl Français acteur 1sg rencontrer-perf Xinyue connaître
[yongbao-guo ta1j /*__ j)]] de na-wei nüsheng.
embrasser-exp 3msg C ce.là-cl étudiante
‘Cet acteurj français-là, j'ai rencontré la fille [que Xinyue connaît [qui lj'avait embrassé]].’)
Dans l'Etape 1, la phase la plus basse contient la proposition relative, la fille qui…, constituant un îlot. La tête C et le PR le forment une paire Sonde-Cible qui porte le trait de variable et l'ensemble de traits phi. Cependant, la dépendance concernée ici est une dislocation. La tête C-Top et le PR situé dans la position topicalisée ne constituent pas nécessairement de paire opérateur-variable. Le PR ne sera alors pas interprété comme une variable liée en FL et il porte le trait de variable non-interprétable. Puisque la tête C-Top porte aussi le trait variable non-interprétable, la dépendance entre les deux ne pourra alors être établie par Accorder. Le trait non-interprétable porté sur le PR ne peut ni valuer ni vérifier le trait non-interprétable de C-Top. La dépendance entre les deux peut seulement être établie à l'aide de Match. Puisque ces traits ne peuvent être effacés, la phase ne pourra pas être envoyée aux interfaces immédiatement. La dérivation continue.
Dans l'Etape 2, la tête C-que plus haute est une sonde potentielle qui porte des traits non-interprétables et la tête C-qui la plus basse pourrait fonctionner comme une cible. Cependant, Accorder ne pourra pas fonctionner non plus car la sonde et la cible portent tous les deux des traits non-interprétables qui ne seront ni valués ni vérifiés. Match fonctionne alors pour établir la dépendance. Avec des traits non-valués et non vérifiés, Phase 2 ne pourra pas non plus être envoyée immédiatement aux interfaces et la dérivation continue.
Dans l'Etape 3, pour la même raison, Accorder ne pourra pas établir la dépendance entre la tête C-Top et la tête C-que mais Match fonctionne.
La dérivation de la phrase entière est maintenant finie. La sonde la plus haute, c'est-à-dire la tête C-Top, et la cible la plus basse, donc le PR, forment une dépendance. Cependant, les deux portent uniquement des traits non-interprétables et Accorder ne pourra pas fonctionner. Seul Match peut s'appliquer. Une fois que la chaîne maximale est construite via Match, la phrase entière sera envoyée aux interfaces pour être interprétée. Même si la Phase 1 contient un îlot fort, la dérivation réussit toujours car Match fonctionne sur l'ensemble de la phrase, ce qui permet à une chaîne construite par Match d’échapper à des conditions de localité. Dans ce cas, les Transferts multiples et les Spell-Out multiples ne s'appliquent pas.
→ (toutes les phases sont envoyées aux interfaces en même temps)
3.4 Les effets de croisement
Rappelons que l'exemple en (18) répété ci-dessous en (36) montre qu'une relative donne toujours lieu aux effets de croisement.
(36) * Zhe jiu shi [na-ge hundanj shuo [ta1j yao ba women
ce-ci juste être ce.là-cl salaud dire 3msg fut ba 1pl
quan dou sha-le] de] na-ge renj.
entièrement tout tuer-perf C ce.là-cl personne
‘C'est bien le typej qui le salaudj a dit qu'ilj allait nous tous tuer.’)
Le PR il est A-lié par le DP ce salaud qui se situe dans une position argumentale et le même pronom est Aʹ-lié par le C-Rel également. Par conséquent, il y a deux différents types de dépendances créés à partir du pronom il qui se font concurrence. La première dépendance A de type anaphorique entre le pronom il j et ce salaud j est établie via une co-référence et ce dernier c-commande ce premier. Cette relation anaphorique est donc en fait une dépendance co-référentielle.
(37) Dépendance A
La deuxième dépendance A′ entre le pronom
et le type j peut être établie via Accorder (cf. 38).
(38) Dépendance Aʹ
Le PR il porte d'une part le trait [ϕ] non-interprétable qui n'a pas besoin d’être interprété en sémantique et d'autre part le trait [var] interprétable valué qui justifie le statut de variable du pronom. Ce pronom il fonctionne alors comme une cible. Le complémenteur de la relative qui se situe le plus haut, C1, porte le trait [ϕ] non-interprétable ainsi que le trait [var] non-interprétable qui n'a pas encore de valeur. Il fonctionne donc comme une sonde. La sonde c-commande la cible. Par conséquent, la dépendance Aʹ peut être établie via Accorder. Puisque l'opération Accorder s'effectue phase par phase successivement, le complémenteur intermédiaire C2 est alors indispensable. Je suppose que ce C2 intermédiaire porte aussi les deux traits, c'est-à-dire [ϕ] et [var], et que ces deux traits sont non-interprétables. Puisque ces trois éléments, C1, C2 et le pronom, portent tous au moins un trait non-interprétable, ils restent alors actifs syntaxiquement. D'abord, le premier Accorder s'applique entre C2 et le pronom il. Le trait [var] interprétable du pronom il fournit une valeur au trait [var] non-interprétable du C2 et, par conséquent, le trait non-interprétable [var] sur le C2 sera effacé sous l'opération « valuation de traits ». Cependant le C2 reste toujours actif grâce au trait non-interprétable [ϕ]. Ensuite, le deuxième Accorder s'applique entre deux têtes, C1 et C2. Les traits non-interprétables [var] et [ϕ] seront valués. Ceci montre que la dépendance Aʹ dans une configuration contenant un croisement peut être établie via Accorder sans impliquer aucun déplacement. Puisque les deux dépendances en question s'appliquent au même pronom, la dérivation échoue.
En ce qui concerne la dislocation à lacune, la dérivation sera la même que dans les relatives. C'est-à-dire que c'est bien l'opération Accorder qui s'applique et les effets de croisement qui ont été constatés.
(39) * [TopP NPj , [TP [CP-îlot … … … … _____ j … … … ]]]
L'exemple en (20) répété ci-dessous en (40) montre qu'une dislocation résomptive ne donne pas lieu aux effets de croisement même si l’élément qui est croisé est une épithète.
(40) Wo erzij a, [nei xiaozij shuo [ta1j zai ye bu
1sg-(gen) fils top ce.là.cl gamin dire 3msg encore aussi nég
gan jiu-hou jiashi le]].
oser alcool-après conduire sfp
(Litt.) ‘Mon filsj, le gaminj a dit qu'ilj n'oserait plus conduire après avoir consommé de l'alcool.’
La dépendance A de type anaphorique entre le pronom il j et le gamin j est établie via une co-référence. Ce lien anaphorique est en fait une dépendance co-référentielle.
(41) Dépendance A
La dépendance Aʹ entre le pronom il j et mon fils j est établie via Match. Match vérifie s'il y a une non-distinction entre les traits d'une sonde et d'une cible, qu'ils soient valués ou non. En (42), les trois éléments, Top0, C0 et le PR, portent tous les mêmes traits : [var] et [ϕ]. Une fois l'identification finie, l'opération Match est terminée. La relation basée sur l'accord n'est pas établie entre le C-Top et le pronom il car les traits non-interprétables sur ces deux éléments ne sont pas éliminés.
(42) Dépendance Aʹ
Récapitulons. La dépendance A est bien établie, tandis que la dépendance Aʹ ne l'est pas. Le pronom il n'est alors pas vraiment lié de deux manières différentes au sens strict. Par conséquent, les effets de croisement ne se produisent pas. Le fait que les deux éléments, le C° et le PR, partagent le même indice veut dire qu'ils forment une dépendance Aʹ. On peut dire que dans le cas de Topique, le NP et l’épithète assignés au même référent par le discours forment éventuellement une dépendance référentielle. De même, le lien entre l’épithète et le PR est en fait une dépendance référentielle établie entre deux nominaux. En revanche, le complémenteur C ne lie pas le PR comme une variable. Par conséquent, la dépendance Aʹ n'est pas établie, malgré le fait que les trois nominaux portent le même indice.
4. Conclusion
Une relative à lacune, une relative résomptive et une dislocation à lacune se comportent de manière identique vis-à-vis des effets d’îlot et des effets de croisement. Les PIs n'existent pas dans les relatives donc la violation éventuelle de la condition de localité ne peut être rachetée. Dans le cadre du programme minimaliste, je défends l'idée que c'est l'opération Accorder qui s'applique et qu'Accorder peut fonctionner seul, non nécessairement suivi de Déplacer. Accorder opère au niveau de la syntaxe étroite cycle par cycle et phase par phase et il est alors sujet aux conditions de localité. L'essentiel de l'opération Accorder est de vérifier les traits et d'effacer les traits non-interprétables avant la FL. Le C-Rel qui porte le trait interprétable [λ] fonctionne comme une sonde et le PR qui porte le trait non-interprétable [λ] fonctionne comme une cible. La sonde peut valuer les traits non-interprétables sur la cible et les traits non-interprétables seront effacés une fois qu'Accorder est fini. Une autre possibilité est que le trait [var] sur la sonde, c'est-à-dire le C-Rel, est non-interprétable et que le même trait sur la cible, c'est-à-dire le PR, est interprétable. Les traits non-interprétables qui attendent d’être valués sur la sonde doivent c-commander les traits interprétables déjà valués sur la cible. Après Accorder, le trait non-interprétable sera effacé. Ces deux systèmes sont applicables pour les relatives en chinois.
Une dislocation résomptive n'induit ni les effets d’îlot ni les effets de croisement. Dans ce cas, Match fonctionne seul, non suivi d'Accorder. La fonction essentielle de Match n'est pas de vérifier les traits mais seulement d'identifier les traits associés aux candidats potentiels pour être une sonde et pour être une cible respectivement. Ce qui empêche Accorder de s'appliquer dans ce cas est que les traits sur la sonde et sur la cible sont non-interprétables. La relation de l'Accord ne peut alors être établie entre la sonde et la cible car il n'existe pas de cible qui porte le même type de trait interprétable qui puisse éventuellement vérifier les traits non-interprétables sur la sonde. J'ai fourni aussi un argument empirique qui suggère que le lien entre le Top0 donc le C-Top et le PR dans une dislocation n'est pas forcemént une relation entre un opérateur et une variable. Par contre, le lien entre le C-Rel et le PR situé sur le site relativisé est exactement une relation de type opérateur-variable. Par conséquent, le trait [λ] est non-interprétable sur le C-Top mais interprétable quand il est associé au C-Rel. Le trait [var] est interprétable sur un PR dans une relative mais non-interprétable sur un PR dans une dislocation.
Ce que nous avons observé en chinois montre que l'usage général et l'usage intrusif d'un PR existent tous les deux. En conséquence, le point de vue basé sur une variation macro est trop sévère. Le chinois nous suggère que les PRs ne peuvent pas être analysés de façon unifiée dans les différents types de dépendances Aʹ. Aussi, un PR peut se comporter de manière différente dans une même langue. Les stratégies utilisées pour établir une dépendance résomptive sont spécifiques selon les différentes structures mais pas seulement spécifiques selon les langues individuelles. Il est tout à fait possible d'employer différentes stratégies dans une même langue. Elles sont employées dans les différentes structures de manière spécifique. Dans ces structures, des traits avec différentes valeurs sont associés aux complémenteurs et aux PRs.
Une implication importante de nos analyses consiste à dire que les deux types de topiques (ceux générés in-situ et ceux dérivés par déplacement ou par Accorder) existent en chinois. Ceci confirme ce que propose Huang, Li et Li (Reference Huang, Li and Li2009) et invalide la position extrême selon laquelle il n'y aurait pas de topiques générés à la base défendue par Shi (Reference Shi2000).