Les « journaux astronomiques » (diaries) furent un genre prisé à Babylone pendant plus d'un demi millénaire. Il fut ignoré en Assyrie. En l’état des connaissances, le corpus en est fort d'un millier de tablettes. Des observations astronomiques et météorologiques régulières et systématiques y furent mises en correspondance avec des informations concernant la vie terrestre, la mesure du niveau des eaux de l'Euphrate, les valeurs de certaines denrées sur le marché (céréales, dattes, moutarde, sésame, cresson/cuscute selon M. Ossendrijver, et laine), des événements de la vie sociale et religieuse, enfin des événements historiques (événements religieux et politiques à Babylone et ses environs, mais aussi d'autres villes, les interruptions des fêtes, les affaires de l'Esagil, les activités du roi et des armées, des dignitaires, les morts des membres de la famille royale), le tout exprimé dans un style austère. Ils ont fait l'objet, déjà, d'importantes publications et études (une bibliographie sélective en est offerte à la fin de l'introduction).
Le projet consista à faciliter les corrélations entre les événements célestes et terrestres. À compter du milieu du vie siècle, à Babylone, des astrologues-astronomes confectionnèrent des agendas ou journaux astronomiques, qui répertoriaient de manière systématique des observations astronomiques agrémentées de notes concernant la fluctuation des prix, les intempéries, les crues des fleuves et, parfois, des événements historiques. La relation d’événements historiques y fut d'abord rare. L'histoire locale fut privilégiée, avec les cérémonies du culte, la litanie des incendies et des épidémies. Des événements politiquement plus lourds de conséquences y firent leur apparition, progressivement, sous l'aspect de propos rapportés. Car le genre ne demeura pas statique. À partir du ive siècle, le nombre d’événements alludés s'accrut, en même temps qu'augmentait la proportion des agendas renfermant des informations à caractère historique. Elle passa de moins de la moitié à la fin de l’époque achéménide à près des deux tiers à l’époque parthe. La divination y était très présente, notamment sous l'aspect de citations extraites des traités d'astrologie, de tératomancie et de présages terrestres. Pour ne citer qu'un exemple, un agenda plaça la bataille de Gaugamèles (1er octobre 331) sous le signe de la disparition de Jupiter lors d'une éclipse de lune, le même phénomène qui était associé, dans le traité d'astrologie, à une fin de règne. Bérose y puisa une partie non négligeable de sa prose. Avec le temps, contrairement à la partie vouée à l'histoire qui devenait toujours plus importante, celle consacrée aux phénomènes astronomiques prit de moins en moins de place, au point que la notation de la foudre s'abattant sur divers quartiers de Babylone, ou de prodiges empruntés au traité de tératomancie, finit par être intégrée dans les sections historiques.
Les éditeurs admettent (p. 10) que leurs auteurs se seraient montrés réticents à établir explicitement des connexions entre des événements célestes particuliers et des actions survenues dans le monde des hommes. Pour sa part, M. Ossendrijver admet (p. 74) qu'ils auraient déployé des efforts considérables pour pronostiquer les prix des marchés en les corrélant aux mouvements des corps célestes, partant de la certitude que les événements terrestres étaient en correspondance, plus ou moins instantanément, avec ceux du ciel.
De fait, contrairement à une idée admise par Ulla Susanne Koch (« Concepts and perception of time in Mesopotamian divination », in L. Feliu et al. (éds), Time and History in the Ancient Near East, Proceedings of the 56e RAI, Eisenbrauns, Winona Lake, 2013, pp. 127–42) pour qui l'astronomie fut une science inutile, celle-ci se développa avec l'envie de connaître et stimula l'astrologie. Ce qui mit les astronomes au travail, ce fut le souhait de ne pas voir la création du cosmos mise en danger par une mauvaise ordonnance du calendrier. L'utilisation des données astronomiques nouvellement acquises déclencha une révolution dans la manière de travailler des chronologistes et des astrologues (J.-J. Glassner, Le Devin historien en Mésopotamie, Leyde : Brill, 2019, ch. 15). Cela signifia aussi que les phénomènes prédits n’étaient pas produits par les dieux!
Toutes les informations n’étaient pas basées sur des observations. Certaines étaient calculées et supposées s’être produites à un certain moment; on procédait alors par extrapolation à partir d'observations lors des jours précédents.
J. Steele examine l'histoire des journaux les plus anciens, qu'il dénomme « proto-diaries », par opposition à ceux, plus tardifs, qui se présentaient sous une forme « standardisée » (p. 46 : le plus ancien daterait de -568 et non de 651, même si cette dernière date est encore admise par les éditeurs du volume, par M. Ossendrijver, p. 58, et par Ch. Tuplin, p. 79; le plus récent date de -61). Il réfute avec raison la thèse de la création d'une ère de Nabonassar, qui est un mythe moderne.
Il n'est pas impossible, cependant, qu'un changement soit survenu sous ce règne dans les pratiques de l'historiographie. La « chronique royale babylonienne » semble s’être achevée avant ou avec la mention de ce roi (J.-J. Glassner, Mesopotamian chronicles, SBL, Atlanta 2004, no 3). Quant aux chroniques néo-babyloniennes, elles débutaient avec ce règne (J.-J. Glassner, op.cit., nos 16 et 17).
M. Ossendrijver cherche à comprendre les règles auxquelles obéissaient les prédictions concernant les prix du marché. Car les Babyloniens postulèrent un lien entre les phénomènes astronomiques et ces prix. Sur un mois, ces prix étaient mis en relation avec les mouvements de la Lune, sur l'année avec ceux du Soleil. Les rapports des journaux avec les textes dits « années-objectifs » qui enregistraient également les événements survenus pendant une année, furent essentiels.
La méthode qui présidait à la composition des textes dits « années-objectifs » requérait pour chaque prédiction une observation antérieure du même phénomène, ce qui était le cas dans les journaux.
Ch. Tuplin se penche sur le contenu historique des textes. Il consacre également un long développement aux relations qui purent exister entre les journaux et les chroniques.
E. Robson tente d'identifier les auteurs des journaux, alors que n'ont survécu que quelques rares colophons, parfois très endommagés. Elle s'oriente principalement vers les milieux des prêtres.
L. Dirven s'intéresse à deux journaux relatant le cas d'un prophète de Nanâya qui annonçait le retour de Marduk à Babylone en pleine période de crise, le pouvoir séleucide le cédant au pouvoir parthe. Les textes sont retranscrits et retraduits par E. Robson.
R. Pirngruber se livre à un exercice d'archéologie dans les musées. Son objectif est de reconstituer la bibliothèque de l’Ésagil. Chemin faisant, il met en doute la qualification de bibliothèque, y voyant plutôt, à la manière de Ph. Clancier, un « fonds de tablettes littéraires et savantes ». D. Charpin, Le Clergé d'Ur au siècle d'Hammurabi, Droz, Genève-Paris, 1986, p. 428, à la suite de G. Oury, « Les Bibliothèques », in C. Samaran (éd.), L'Histoire et ses méthodes, Gallimard, Paris, 1961, p. 1091, définissait une bibliothèque comme une « collection d'ouvrages classés » et l'opposait à un « fonds de manuscrits ». En l'absence d'imprimerie, il est difficile de distinguer un fonds de manuscrits d'une bibliothèque.
K. Stevens aborde la question de l'aire géographique prise en considération par les auteurs des journaux. Elle est variable, selon les périodes historiques. Il était mis l'accent sur la géographie humaine et politique. Babylone, avec des allusions à tous ses quartiers et monuments, tenait une place de choix. Elle consacre un long passage aux foudroiements.
M. Visscher porte son attention sur les mentions du roi. Avec l'arrivée des Achéménides, les rois étaient des étrangers, physiquement très absents de la scène babylonienne.
J. Haubold constate que les auteurs des journaux n’étaient pas des historiens, mais que, de tablette en tablette, ils n'en montraient pas moins un grand intérêt pour la narration historique, portant entièrement leur attention vers la royauté.
Y. Mitsuma, enfin, publie un journal d’époque parthe qui informe de la composition, sans doute à Babylone, d'un conseil des anciens par des citoyens à l’époque arsacide.
En conclusion, cet ouvrage constitue une remarquable synthèse sur un genre de documents dont la signification n'est pas aisée à appréhender. Plus qu'un ouvrage de synthèse, il s'agit d'une œuvre de référence.